Le féminisme n'est-il qu'un nouveau machisme ?

Entre enthousiasme mesuré et confirmation de certaines craintes, une sortie ciné entre potes est toujours riche d'enseignements. C'est ce que le masqué a retenu de plus important à la fin de ce Wonder Woman.


Une fois n'est pas coutume, cependant, il va endosser le rôle du pisse-froid relatif, celui qui dira sur Sens Critique que c'était pas trop mal, mais qu'en d'autres mains, cela aurait pu être bien mieux, scrogneugneu. Ou tout simplement en faisant un tant soit peu attention à certaines scories d'écriture parfois rédhibitoires et malheureuses.


Car niveau action, Wonder Woman envoie pas mal. Que ce soit sur Themyscira ou sur le no man's land, concentrant sur elle le feu ennemi. Que ce soit du côté de la chorégraphie guerrière, des décors londoniens ou encore des costumes, le film s'avère être, souvent, une production grand luxe rendant justice, dans sa représentation graphique, à l'icône pulp que représente aujourd'hui l'amazone. Qui se bat comme une déesse dans des cabrioles typiques de Sophitia dans la série Namco des Soul Calibur. En reprenant en une occasion le quasi décalque d'un affrontement de Batman v Superman : L'Aube de la Justice, en forme de clin d'oeil ou d'exaltation de la cohérence relative du DCverse. En reprenant un final en forme d'orgie CGI de ses aînés encapés.


Et puis il faut reconnaître que Gal Gadot est un atout non négligeable par sa beauté aux traits doux et ses grands yeux de biche, même si, à l'évidence, elle ne sera jamais la meilleure actrice du monde. mais elle ne démérite pas, loin de là.


Wonder Woman fait passer, somme toute, un moment assez agréable. Mais cependant, il est le symptôme supplémentaire des gesticulations désespérées de la Warner pour reprendre le contrôle de la barre de son navire amiral face à la Marvel. En effet, dans un même film, le studio souffle le chaud et le froid, comme s'il ne savait pas exactement quoi faire avec son matériau afin de rattraper la concurrence, passant de l'excellent à l'embarrassant le temps d'une scène, le temps d'un dialogue pataud, d'une thématique abordée avec des gros sabots.


Themyscira ferait presque passer le film pour de la pure fantasy, avant de se parer du réalisme de son background. Même climat de guerre, même bouclier, même noblesse, on ne peut que penser en plus d'une occasion à une légère démarcation du Captain America : First Avenger exécuté avec métier par un Joe Johnston inspiré. Mais là où Marvel avait passé beaucoup de temps et d'efforts à déringardiser les valeurs de sa figure de proue et de ce qu'il représente, DC fera souvent passer son héroïne par des extrêmes constamment erratiques, parfois embarrassants, peu aidé par le simplisme affiché de l'amour et de la compassion de l'amazone. Pas plus par un humour pas très finaud. Ceux qui hurlaient déjà à ce sujet sur les productions Marvel tomberont sans doute de leur siège.


Mais les plus grosses scories seront à chercher du côté de l'écriture du personnage de Wonder Woman, clairement envisagé comme porte drapeau féministe dans certaines scènes par une réalisatrice qui n'a jamais fait mystère de ses visées.


Or, si l'on ne peut pas parler de catastrophe totale sur ce point, force est de constater que, néanmoins, la maladresse le dispute à une certaine paresse dans les procédés de définition du personnage titre dans son aventure fondatrice. Ainsi, loin d'être la sagesse même, Wonder Woman passera, lors d'un passage à Londres qui aura tout de l'inconfortable, de la bêtise confondante d'une provinciale qui n'a jamais vu la grande ville, à la naïveté la plus déconcertante, de l'exaltation à l'hystérie. Le portrait fait de la femme de tête et d'action que l'on voudrait nous faire avaler en prend un sacré coup dans l'aile et ne fera pas croire que le public visé s'y retrouvera sans mot dire.


D'autant plus que finalement, Patty Jenkins se contente, la plupart du temps, d'à peine retoucher les scènes qu'elle épingle en remplaçant le héros classiquement masculin par son égérie de papier, ne rechignant pas à passer par tous les passages obligés de la love story neuneu et les clichés les plus éculés, pas même renversés. Un producteur aurait dû lui souffler à l'oreille que glisser quelques dialogues en mode "Les filles ne s'laissent pas faire !" ne suffisaient pas et qu'une telle position revendiquée, de façade, avait tout du factice, d'autant plus qu'on n'évite pas de pousser au passage la petite grosse hors du cadre ou de ressasser, une fois encore, une scène d'essayage très Pretty Woman. Et que l'on ne tire même pas parti de l'autre personnage féminin, Docteur Poison, qui aurait pu représenter un formidable opposant et être érigée en femme manipulatrice de la gent masculine et qui, là, aurait pu servir le propos.


Alors même que le film proposait, en parallèle, quelques thématiques intéressantes, parfois traitées de manière expéditives cependant, surtout en matière d'origine du mal, qui résonnent d'une drôle de manière en ces temps de terrorisme latent qui ne prend plus ses ordres d'une organisation pyramidale.


La note pourra apparaître peu élevée, mais Wonder Woman s'avère finalement, alors qu'il voulait s'en démarquer, un vrai film de mecs, qui fonce dans le tas sans réfléchir, assez efficace dans son exécution mais bancal et maladroit dans ce qu'il tente de défendre, en forme de nouvelle preuve que, depuis Man of Steel ou The Dark Knight, Warner a perdu certains éléments de sa formule magique.


Behind_the_Mask, qui ♫ est si fragile, c'est une femme libérée... Tu sais c'est pas si facile ♪...

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