Quoi de mieux que de partir sur les routes pour oublier son chagrin ? Faire table rase du passé et marcher, s’arrêter, lire, penser, faire de nouvelles rencontres, c’est cool, mais en ce qui concerne ce film Jean-Marc Vallée ne peut pas s’empêcher d’en faire des caisses et arrive même à le rendre à la limite du supportable. L’idée de base est très bien, j’ai même plutôt aimé la première partie du film mais j'ai senti petit à petit ce qu’il voulait me dire et j'ai trouvé ça pénible, pour ensuite finir en roue libre en concluant le tout d'une morale des plus prévisible et sans grand intérêt.

Cheryl Strayed (Reese Witherspoon) réalise donc de ce parcours de 1500 km dans le but de se reconstruire, une rupture amoureuse et le décès de sa mère l’ont conduite à errer sur le Pacific Crest Trail, seule avec son gros sac à dos et ses bidons d’eau, elle va de l’avant, veut abandonner, puis continue, rencontre des gens sur son chemin, mais au delà de l’immensité des paysages elle reste prisonnière de sa mémoire et de ses souvenirs, ce trip a pour but de les exorciser, une sorte de quête spirituelle.
J’ai donc bien aimé la première demi heure, lorsque Cheryl part et commence à s’interroger, c’est plutôt bien expliqué et on s’attache à la jeune femme, on compte les miles, on la voit suer de partout les lèvres gercées par l’aridité désertique, bref on marche avec elle. Mais ensuite le problème est qu’a trop vouloir sensibiliser les choses ça en devient indigeste, tous ces flashbacks incessants deviennent au fur et à mesure gavants, il y a même des flashbacks dans des flashbacks, du coup ça coupe bien trop souvent le récit, évidemment il en faut mais toutes les 2 minutes, non, et puis parfois c’est complètement inutile, genre elle se casse la gueule sur un chemin de terre et ça lui rappelle quand elle se faisait prendre par derrière par son ex boyfriend, okay bon … Même le sujet de sa relation maternelle en fini par saouler, on nous en dit limite trop, ça aurait dû seulement rester des bribes de souvenirs remontant à la surface, pas des scènes entières, et surtout garder une cohérence dans le montage et l’avancée de la trame principale.

En plus je ne suis pas forcément fan de Witherspoon, même si pour le coup je la trouve correcte, c’est juste son personnage qui a eu du mal à me convaincre, le destin de cette femme parait tellement sur-romancé qu’on a un peu de mal à croire en sa véracité, genre elle tombe dans la drogue, se fait sauter par des inconnus entre deux poubelles pour le plaisir, la déchéance clichée, le dialogue avec le psychanalyste est énervant parce l’actrice est complètement dans la performance, sans maquillage et jouant l’ambivalence de la femme déchirée et impertinente, on voit où Vallée veut nous emmener et là j’ai pas eu envie de le suivre, moi ce qui m’intéresse dans ce film c’est la voir marcher, souffrir pour peu à peu se restructurer par des petits moments de vie, son passé je m’en fout limite, surtout de manière imagée. Et dommage qu’il n’y ai pas assez de moments de panique comme lors de la séquence où elle ne trouve plus d’eau et qu’elle est abordée par deux types bizarres, un des rares passage sujet à la tension, par exemple j’aurais aimé qu’elle se fasse violer comme ça au moins ça aurait été cohérent avec ses flashbacks de sexe, le tout avec des vieux cris et des gros plans sur son visage qui hurle, mais bon non. Ensuite la dernière partie du film est ultra poussive, on dirait franchement que Vallée a eu un mal de chien à conclure son oeuvre, et la morale est torchée à jouer la carte de la spiritualité et de la sacralisation pour amadouer le spectateur.

Par contre les paysages m’ont conquis, c’est bien filmé, à ce niveau là la photographie est très bonne, dommage qu’on en voit si peu en 2h, "Wild" c’est l ‘état sauvage, la nature, les forets, le désert, les plaines, etc, et au final le long métrage ne le met pas forcément en évidence, le film aurait dû s’appeler "Memories" ou un truc comme ça, ça manque aussi d’instants de silence et/ou de réflexions, on nous dit tout, on nous explique tout de A à Z, Cheryl n’a pas de secrets pour nous, son parcours on le connait presque à l’avance, tout comme la finalité de son tracking introspectif, ça manque cruellement de mystères, on nous balance tout à la figure. Même ses rencontres ne sont pas intéressantes, alors que par exemple dans "Into the Wild" (il fallait forcément que je le compare à lui un moment ou un autre) le film abordait des personnages sur le chemin de Chris qui allaient le faire élever vers la sagesse, la pauvre Cheryl elle ne tombe que sur des tocards, même un renard semble avoir plus de crédit à ses yeux. Triste. Et puis forcément il n'y a pas la même puissance émotionnelle, ni le rôle de la bande son (quoi que pour le coup sans musique ça passe) ni une conclusion digne de ce nom avec une morale qui nous surprends.

Enfin voilà je n’ai pas aimé "Wild" bien que je pense qu’avec un peu plus de boulot dans l’écriture et le montage il aurait pu ressembler à quelque chose, le résultat du film de Vallée passe un peu à côté du sujet qu’il fallait mettre en évidence, à côté de ça il n’aborde que d’autres éléments narratifs rébarbatifs avec bien trop d’insistance, ce qui fait qu’a la longue on ne s’évade plus dans ces paysages et cette quête initiatique.
JimBo_Lebowski
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le 21 janv. 2015

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