Wild raconte le périple - incroyable si vous le voulez bien - de Cheryl Strayed sous la forme d’une véritable ode à la musique. A toutes les musiques. Celles qui, inévitablement et avec une force inébranlable, constituent la bande-son de notre vie. Celles qui restent, qui s'ancrent comme des tatouages, que l’on chantonne avec nostalgie et qui ne nous quittent jamais vraiment. Celles aussi que l’on se surprend à re-découvrir de notre bouche, un jour allant, comme des trésors que l’on ressort du grenier et que l’on croyait avoir oublié. Cette chanson que notre mère fredonnait gaiement, puis cette autre que l’on ré-entend de la voix innocente d’un enfant que l’on n’est déjà plus depuis si longtemps.

Le film évite l’écueil ici trop souvent répandu que bien d’autres “films à musique” ont malheureusement emprunté : celui de puiser à tort, à travers - et surtout en vain ! - l’unique force cinématographique dans la musique, plaquée intempestivement et de façon quasi continue sur des images qui ne comptent que sur l'habillage sonore pour les sauver de l'ennui et de la vacuité, sans réappropriation aucune.

Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit ici, à la fois tour de force du réalisateur, mais également et surtout sujet phare du film : la réappropriation. Faire sien, redonner sens.
De la musique bien sûr, vestiges de notre vie passée. Mais aussi des mots, ceux d'un/e autre, puisés dans ces livres chéris, qui font écho en nous et que l’on ré-écrit en se permettant d’y ajouter son nom. De ce nouveau nom aussi, que l’on transforme après une rupture douloureuse, signe d'une fin mais surtout d’un renouveau.
La réappropriation de ses souvenirs, de ses émotions, de ses deuils, aussi douloureux soit-ils.
La reconquête de sa vie, enfin. En dépassant ses limites, en affrontant ses peurs, en donnant du sens et une vérité à celle qui n’en avait pas ou plus depuis trop longtemps.

Ce film, véritable prouesse d’équilibriste à mon sens, est une parfaite illustration de l’alliance foudroyante et signifiante de l’image et du son, maitrisée ici avec brio par Jean-Marc Vallée.
Neil
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le 21 janv. 2015

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