Dans son documentaire sur la fin des idéaux américains soixante-huitards, Jean Baptiste Thoret part s'immerger dans l’Amérique profonde, loin de New York et Los Angeles où une vision finalement très européenne du pays se confronte à une réalité toute autre. Récit d’une désillusion, We Blew It, s’ouvre et se ferme avec les mots d’une époque, ceux de Peter Fonda dans Easy Rider qui rêvait d’un monde différent la veille de se prendre une bastos dans le crâne sur sa moto. Alternant les témoignages de quidams et de personnalités du cinéma (Michael Mann, Peter Bodganovich, Jerry Schatzberg), ce documentaire est un étonnant mélange de discussions de comptoirs et d’avis personnels sur le prétendu pouvoir qu’avait cette génération à changer son pays. Il y a bien quelques moments touchants, comme ce barbier de la Route 66 qui croie au Peuple comme puissance suprême pour faire changer les choses, mais tout semble dilué dans le « c’était mieux avant ».
Avec comme fil rouge le cinéma américain, Thoret fait le choix de parler des années 60-70 à travers le regard de ceux qui ont mis cette époque en images même si le manque criant de personnalités mythiques (hormis Bogdanovich) du Nouvel Hollywood enlève beaucoup de force au propos. Mais alors, pourquoi une telle place pour le cinoche alors que la musique a tout autant influencé et construit un pan de la culture américaine contestataire et libératrice ? A savoir si c’est la faute des consommateurs de LSD si Trump est au pouvoir aujourd’hui, c’est donner bien trop d’importance/d’enjeux à une contre-culture qui a pourtant déjà marqué le monde de son empreinte. America First, le slogan est protéiforme.
We Blew it est donc un documentaire fantomatique. La caméra glisse le long des routes, les images sous-exposées et les propos nous hypnotisent. C’était mieux avant ? Oui, c’était carrément mieux dans America de Caude Drexel.