Il est des réalisateurs à qui l'on pardonne tout parce qu'ils sont capables de prouesses derrière une caméra. Bryan Singer en fait indubitablement parti. Après le semi-échec critique et commercial de Superman returns il y a bientôt trois ans, le cinéaste new-yorkais se devait de renouer avec le succès pour ne pas perdre cette fantastique aura acquise avec son dyptique consacré aux X-Men mais surtout grâce à The Usual Suspects, film culte trônant au panthéon des plus grands polars de tous les temps. Alors, mission réussie ?

Ce qui frappe d'emblée avec Walkyrie, c'est son casting 5 étoiles auquel Singer nous a habitué dans les films précédemment cités. Ici, bien sûr il y a Tom Cruise, dont le retour en grâce crève l'écran au point d'être LA surprise du film, mais on peut également compter sur la présence de Bill Nighy (le chanteur déjanté et ringard de Love Actually, ou encore le Seigneur vampire Viktor d'Underworld), Kenneth Branagh (l'irrésistible Benedict de Beaucoup de bruit pour rien ou l'infâme Iago dans Othello), Tom Wilkinson (à qui le rôle de truand va à ravir aussi bien dans RockNRolla que dans Batman begins), Terence Stamp (l'inoubliable général Zod de Superman II), ainsi que la ravissante Carice Van Houten, révélation du surprenant Black Book. Un panel d'acteurs qui impressionne sur le papier mais beaucoup moins à l'écran. À l'exception de Bill Nighy, les autres acteurs ont un temps de présence limité à l'écran, voire quasiment inexistant (pauvre Carice Van Houten, reléguée à trois courtes scènes et un flashback). Un défaut mineur tant Cruise est le centre de cette histoire de conspiration visant à commettre l'assassinat d'Hitler durant la Seconde guerre mondiale, mais qui gêne au regard de ce que Singer avait déjà réussi à faire d'un si beau casting par le passé.

De même, force est de constater qu'on a connu un Bryan Singer bien plus inspiré derrière la caméra que dans ce film rendant un vibrant hommage à la résistance allemande. La mise en scène est réduite à son plus simple appareil et ne témoigne jamais d'une volonté de transcender l'oeuvre en Oeuvre, même si elle ne souffre d'aucun défaut majeur.

Pourtant Walkyrie étonne par le choix de sa conduite narrative : alors qu'il est évident que chacun connait déjà l'issu de cette tragédie en allant poser son arrière-train devant le film, Singer a choisi pourtant de construire son récit de manière à instaurer un suspens de chaque instant. Le tour de force est que cela fonctionne parfaitement. Mieux encore, Singer arrive presque à nous faire espérer que la fiction rattrape l'histoire et que les évènements ne soient pas ce qu'ils adviendront, tant l'on retient son souffle en attendant avec impatience que nous soient dévoilées les causes de l'échec de l'opération Walkyrie.

On pouvait également craindre que le divertissement prenne le pas sur le genre historique et inversement, mais là encore le réalisateur nous surprend grâce à un savant mélange des deux aspects faisant de son film à la fois un objet filmique pédagogique et en même temps distrayant. La griffe hollywoodienne pèse certes sur le long métrage mais les clichés inhérents à celle-ci sont pour une fois évités, le réel ayant un ascendant sur le spectaculaire, à bon escient.

Une autre bonne idée pour expliquer le fait que le texte ne soit pas dans la langue de Goethe est de reprendre le procédé déjà vu dans Le 13ème Guerrier, à savoir la superposition des deux langues au début du long métrage afin de rendre complice implicitement le spectateur de l'abbération que l'on pourrait constater en voyant parler les allemands en anglais. Simple au demeurant mais diablement efficace.

Pour les adeptes du réalisateur, vous retrouverez également les thèmes chers à Bryan Singer, la religion étant ici évoquée métaphoriquement ou non, à diverses reprises. De quoi ne pas vous perdre dans la pensée d'un cinéaste qui aime à souligner les différences entre les êtres humains même si parfois il le fait avec maladresse, tombant trop aisément dans un discours manichéen.

Efficace, sobre, divertissant, et instructif, ce Walkyrie a de la gueule et se révèle être l'un des meilleurs films du cinéaste depuis The Usual Suspects même si les défauts sont là. Mais puisque Singer est un cinéaste à qui l'on pardonne les quelques travers...

En bref : Walkyrie n'est pas la claque que l'on pouvait espérer mais il n'en demeure pas moins un très bon film historico-divertissant qui rend hommage à une résistance allemande que l'Histoire oublie un peu trop facilement. À noter la grande performance de Tom Cruise, que l'on avait pas vu autant en forme depuis fort longtemps.
Kelemvor

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