Roberto Rosselini aime sa femme, la sculpturale Ingrid Bergman. George Sanders a accepté d’interpréter le rôle de son époux dans une adaptation de Duo de Colette. Or, les droits du roman s’avèrent indisponibles. Tout en filmant Ingrid dans les musées de Naples, Roberto cherche une idée. Désemparé, désœuvré, George attend. Roberto écrit et fait jouer, au jour le jour, la déréliction d’un couple. George déteste jouer sans texte, il boit, téléphone chaque soir à son psy. Ingrid tente de lui faire partager son absolue confiance dans le génie de Roberto.


Le résultat est fascinant de grâce et de justesse. Tétanisés, nous assistons à un drame silencieux, la mise à mort absurde d’un amour véritable, par une succession de malentendus, de blessures infimes, mais létales.


Nous découvrons la Bentley de Georges et Ingrid filant sur les routes d’Italie. Le temps de vendre une villa sicilienne, ils s’offrent leurs premiers jours de vacances, en tête à tête, depuis leur mariage. Ils sont riches, beaux et sans enfant, le monde est à eux. Ingrid conduit, Georges s’ennuie et dort. Que ne ferait-il pas mieux d’admirer sa femme sur fond de campagne sicilienne, ou, mieux encore, de lui parler... Huit années de vie conjugale sans orage, il travaille, elle reçoit. Tous deux se sont réjouis à l’idée de cette escapade amoureuse, mais, par maladresse, échouent à établir un dialogue. Les mots leur manquent. Ils auraient pu dîner dans leur suite, mais il est déjà sur le pas de la porte. Elle part visiter Naples, il attend une visite. Elle pourrait l’attendre, il n’ose le lui demander. Les tensions montent, il la trouve frivole, elle l’estime égoïste. Il se tait. Elle trépigne au volant de la Bentley. Frustration, bouderie, dépit, colère... « Quand vous me blessez, j’essaie à mon tour... » Épuisé, il consent à divorcer. Sidérée, elle ne peut qu’acquiescer. C’est fini.


Il ne faudra pas moins que l’intervention providentielle des amants de Pompéi, des catacombes de Naples et d’une procession à la Madone pour rompre le mutisme de Georges.


« - La vie est trop courte. - C’est pourquoi il faut en profiter. »

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le 21 mars 2018

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Step de Boisse

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