Avec voyage au bout de l'enfer, l'occasion nous est d'emblée offerte de revenir sur le désastre que peut constituer un titre français par rapport a l'original (désastre qui peut s'appliquer aux dialogues, doublages, traductions, etc etc...) puisque le titre original est the deer hunter, soit "le chasseur de daim".


Cette premier réflexion faite en mode apéritive, venons-en a présent au film.


Si Michael Cimino est aujourd'hui considéré comme un grand réalisateur, c'est essentiellement a the deer Hunter qu'il le doit.


Certes, son canardeur (thunderbolt and lightfoot, c'est bon aussi, ça, non ?) ou ses portes du paradis ne manquent pas d'attraits ou de qualités, son année du dragon, son sicilien ou sa maison des otages (desperate hours) comportent bien tous un ou deux moments de grâce (fugace, en ce qui concerne le sicilien), mais c'est bien le "voyage..." qui constitue sa contribution la plus évidente au patrimoine du 7eme art...


Ce film est d'une puissance assez rare, et trouve une voie peu commune pour servir son propos.
En effet, les moments forts qui marquent le film (ainsi que les spectateurs) pourraient suffire à constituer une œuvre inoubliable. Mais la violence que subissent un groupe de copains qui se rendent au Vietnam, les traumatismes qui en résulteront, la nature des rapports qui uniront ou sépareront ceux qui sont partis de ceux qui sont restés, mais aussi a l'intérieur même du groupe de ceux qui ont connu l'horreur, est totalement souligné, renforcé, porté a incandescence par l'admirable première heure du film. Première heure... ou rien ne se passe.
Rien d'autre que la vie dans cette communauté orthodoxe aux sein d'une cité nord-américaine industrielle et minière, décrite au cours d'un dernier week-end entre potes, pendant lequel l'un d'entre eux va se marier pendant que les autres, sachant l'échéance terrible proche, vont boire, rire, danser, boire, chasser (le daim, donc), et boire.
Ces quelques scènes, magnifiques, sobres (contrairement aux personnages), simples, sont si réussies, si belles, que le reste, tout ce qui va suivre, en tirera une intensité absolue.
Pour appuyer ce que j'avance, il me suffira d'affirmer que les scènes ou Michael (Robert de Niro), de retour au pays, ne parvenant pas a renouer les fils avec Linda (Meryl Streep), sont finalement encore plus fortes que celles, beaucoup plus spectaculaires, ou le même Micheal retrouve Nick (Christopher Walken) en fin de film.


La musique (Stanley Myers) et le reste de la distribution est magnifique, et ce film fait définitivement parti de ceux qui restent a jamais gravés en vous lorsque vous l'avez vu.
Qui plus est, il a eu le mérite rare de réunir la critique la plus pointue et le grand public qui a su lui réserver un accueil digne de ce que cette oeuvre méritait. Encouragé, Cimino allait par la suite mettre en chantier son grand-oeuvre, les portes du paradis, qui allait mettre fin a son statut de jeune génie du cinéma, pour passer à celui, beaucoup moins évident a vivre, de réalisateur maudit.


Je ne résisterai pas, en guise de conclusion, à décrire ma scène préférée.
Après la chasse nocturne, le groupe d'amis décide de terminer cette dernière virée ensemble dans le bar de l'un d'entre eux. Ils entrent en criant et en riant, se jettent sur la table de billard qu'ils arrosent copieusement de bière, crient et rient encore, jusqu'à ce que le patron ne se mettent au piano pour jouer une nocturne de Chopin.
Alors tous deviennent songeurs et pensifs, réalisent ce qui va arriver. Et ça ne se fait pas attendre. Cela se manifeste soudain dans le bruit d'hélicoptères qui approchent.
La seconde suivante, nous sommes plongés dans l'horreur.

guyness

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