Tout commence par la naissance cinéphilique de Bertrand Tavernier qui commente les images de son tout premier émoi cinématographique, à 6 ans : Dernier Atout de Jean Becker. Les images de cinéma ne cesseront de peupler ce voyage en terres cinéphiles. Par ce geste, Tavernier poursuit celui entamé sur le cinéma américain et se place aux côtés de grands noms comme celui de Scorsese lui-même qui parla de sa cinéphilie dans Un voyage de Martin Scorsese à travers le cinéma américain (2006). Mais plus encore qu’un documentaire sur le cinéma, Voyage à travers le cinéma français est aussi un autoportrait du réalisateur qui se livre à travers ses coups de cœur. Tavernier ne convoque en effet que des films qu’il tient en estime, des souvenirs agréables. Il n’hésite donc pas à nous parler de cinéastes peu reconnus mais dont quelques opus l’ont touché, à défaut de l’œuvre entière. C’est le cas du réalisateur Jean Delannoy dont il a aimé et fait donc partager Macao, l’enfer du jeu avec Erich von Stroheim.


D’autres réalisateurs sont, eux, placés très au dessus du lot par Bertrand Tavernier comme Jean Renoir. Mais il n’est pas question de classement, plutôt d’hommage comme celui qu’il rend à Jean Gabin. Car les acteurs et actrices des films ont aussi leur place dans ce documentaire d’admirateur, tout comme la musique, autre actrice majeure du cinéma, qui se trouve mise en lumière. Lumière, c’est d’ailleurs le nom du festival qu’il préside (tout comme l’institut), avec Thierry Fremaud, depuis 8 ans à Lyon. Dans ce documentaire érudit et accessible, passionné dirait-on et passionnant, la voix de Tavenier nous berce ainsi que celle d’André Marcon, elle nous amène à travers son cinéma, qui n’est jamais excluant. L’expérience de ces 194 films célébrés se poursuivra d’ailleurs bientôt à la télévision dans une série de 9 heures, comme l’espère Bertrand Tavernier. On connaissait le goût du réalisateur pour le cinéma américain, auquel il a déjà consacré des ouvrages, le voilà en admirateur de la France, une position pas si courante et qui fait du bien.


Bertrand Tavernier et le cinéma français


Devant ce travail d’orfèvre et d’admirateur, on ne résiste pas à la tentation de vous faire partager un petit bout de l’œuvre de Bertrand Tavernier, cinéaste éclectique. Le film s’arrête en effet au moment où le réalisateur, âgé aujourd’hui de 75 ans, a commencé sa carrière dans les années 70. Il ne nous parle pas de ce qui se passe après pour éviter le conflit d’intérêt (voir l’interview donnée à Télérama). Pourtant, le réalisateur a su aussi s’inscrire dans notre monde contemporain. Avec des films puissants et documentés comme Holy Lola qui parlait autant de l’intime de l’adoption que de la situation d’un pays comme le Cambodge, terre d’adoption et de corruption. Le quotidien du couple se heurtait à celui de tout un peuple. L’intime et l’universel, voilà aussi ce que réunit Voyage à travers le cinéma français puisque c’est également un pan de l’histoire de la France que l’on traverse à travers les extraits présentés, mais aussi des carrières que l’on voit évoluer et pas seulement la vie de Tavernier que le réalisateur évoque.


Le cinéaste du très américain (et réussi!) Dans la brume électrique, n’a jamais caché son amour pour le cinéma français et ses acteurs. De La Princesse de Montpensier à Quai d’Orsay (ses films les plus récents) se croisent rien moins que Mélanie Thierry, Grégoire Leprince Ringuet, Thierry Lhermite, Julie Gayet, Lambert Wilson et bien d’autres. On y parle politique, amour, passion, guerre et paix. Entre humour et classicisme, l’oeuvre du réalisateur est traversée par un élan, celui de raconter la vie, de la documenter aussi. D’autres acteurs ont traversé son œuvre comme Jacques Gamblin. Au plus près de ses sujets, Tavernier livre des œuvres exigeantes comme avec L.627 (1992) . Ce titre qui désigne l’article du Code de la santé publique relatif à la répression de la drogue donne une idée du travail minutieux d’un réalisateur qui pourrait paraître austère, mais qui sait aussi rester aussi au plus près de l’humain. Dans L.627, il suit le quotidien d’une brigade, à travers les yeux d’un jeune policier. C’est finalement aussi l’humanité, sa force de création, que célèbre Tavernier à travers cet autoportrait cinéphile. En regardant des films, nous « partageons des solitudes » comme l’exprimait si bien Céline Sciamma lors de la promotion de Bande de filles en 2014. Et Bertrand Tavernier nous le fait ressentir à travers cette nostalgie vibrante et vivante qu’est Voyage à travers le cinéma français.


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le 13 oct. 2016

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