C’était superbe.


Enfin le film dont on avait besoin sur les attentats terroristes de Paris : juste merci !


Loin du navet viriliste Novembre (du surcoté Jimenez, déjà derrière l’archi-problématique Bac Nord), ce Vous n'aurez pas ma haine est une adaptation pour le moins déchirante du chef-d’œuvre homonyme d’Antoine Leiris (mon livre de chevet depuis sa sortie, que j’ai d’ailleurs offert à tou·te·s mes proches). Un Antoine Leiris ici incarné par le courageux Pierre Deladonchamps, que je n’aime pas trop d’habitude (pour l’avoir vu dans les navets homophobes des affreux Guiraudie, Téchiné et Honoré), mais qui est ici absolument sublime ici, tout en douceur et en pudeur.


L’entendre prononcer les mots si justes écrits par l’auteur m’a donné une chair de poule que j’aurais bien du mal à vous transmettre par les mots, et ce notamment lors de ce passage (qui donne son titre à l’œuvre) si fort dans lequel il explique aux victimes des policiers qu’ils n’auront pas sa haine… Parce que oui, ils auront peut-être son chagrin, son déni et sa soumission, soit ; mais non, ils N’AURONT PAS SA HAINE ! Wahou… magnifique. La première fois qu’il prononce ces mots, j’ai eu envie de me lever et d’applaudir dans la salle, mais nous n’étions hélas que cinq, donc pas assez pour initier une communion collective ; mais j’ai tout de même pleuré et je devine en réalité que les autres spectateur·rice·s aussi.


Et, à l’instar de ce passage, le film trouve systématiquement le ton juste. Tout en traduisant à merveille l’angoisse et l’horreur générées par ce tragique incident (tous ces plans envahis par les figures de policiers ou de militaires, comme autant de menaces sourdes pesant au-dessus de nos têtes – horrible), il exalte en parallèle la résilience collective dont nous sommes toutes et tous capables.


Puis wow, quel plaisir de voir enfin un vrai film de cinéma (surtout que je l’ai enchaîné après le dernier Skolimowski, qui est pffff… enfin disons poliment que sa place est à la télé, quoi). Que tous les détracteurs du cinéma français (que je rejoins, même s’il existe heureusement des visionnaires comme Besson et Leterrier pour le tirer vers le haut) ravalent un peu leurs préjugés et aillent voir ce film, parce que le surdoué Kilian Riedhof nous livre ici un grand morceau de cinéma, qu’il faut saluer et encourager. Le type de projets que l’on ne peut qu’aimer.


Alors si je voulais pinailler, je reprocherais tout de même deux trois aspects assez problématiques, à commencer par le fait qu’Antoine Leiris insiste énormément sur la beauté de sa femme. Il doit nous expliquer quatre ou cinq fois que « Hélène était si belle blabla »… Pourquoi ? A quel moment au juste est-ce que ce type de commentaire est pertinent ? (Réponse : jamais, en fait.) En fait, ce serait juste bien d’arrêter de commenter le corps des femmes en permanence, surtout quand le sujet est aussi grave. Pareil avec les très nombreux « ma femme »… non Antoine, Hélène n’était pas « ta » femme. Elle était une femme, qui existait autrement que par son physique et que par son mariage avec toi. Devoir supporter ce type de discours sexistes dans un film grand public en 2022 est proprement hallucinant.


Même chose avec la conclusion du texte – reprise dans ce film – dans laquelle le même Antoine (décidément) explique mordicus aux victimes des policiers que son « [son] petit garçon [leur] fera l’affront d’être heureux et libre » et que « non, [ils n’auront] pas sa haine non plus. » Heu OK… donc, non content de fétichiser et de s’approprier Hélène, Antoine silencie aussi son fils… qui n’a visiblement pas voix au chapitre… les enfants doivent être trop stupides pour s’exprimer par eux-mêmes aux yeux d’Antoine, j’imagine… mais passons…


Bref, sur ce sujet comme sur celui des femmes, il y a encore du boulot, vous l’aurez compris.


Mais bon, même si ces soucis sont impardonnables (et à ne surtout pas minimiser, même au nom de l’art !), ce Vous n’aurez pas ma haine reste bouleversant et nécessaire.


Un film qui sera, je l’espère, montré à tous les écoliers de France, une fois qu’ils auront tous vu le non moins formidable et nécessaire Simone.

ServalReturns
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le 5 nov. 2022

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ServalReturns

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