Le film s'ouvre sur les deux personnages principaux en train de déjeuner sur leur terrasse ensoleillée. Il s'agit du seul moment de complicité qu'ils partageront à l'écran.
Dès la fin de cette introduction, nous retrouvons sans transition les deux personnes âgées endormies. La femme se réveille en pleine nuit, le regard perdu qui la poursuivra jusqu'au matin. Intervient alors la scène la plus violente de ce film : cette bande noire qui s'élance du haut de l'écran pour établir une séparation désormais inéluctable entre les deux époux. Elle est freinée par la main de la femme posée sur le bras de son mari. Dès que cette main s'en va, la bande noire reprend son chemin et atteint l'autre extrêmité de l'écran. Le split screen s'est matérialisé, Vortex débute.
Le specateur est témoin de la lente et intime déchéance de cette personne âgée interprétée par Françoise Lebrun, en proie à la maladie d'Alzheimer, face à l'impuissance (ou l'inconscience ?) de son mari interprété par Dario Argento. S'il est lent, le film est toutefois rythmé par la tension créée par ce décalage entre l'urgence de la situation que le spectateur entrevoit dans le point de vue de l'épouse et le peu d'intérêt que semble porter l'époux à ce danger. Lui semble pourtant plus alerte mais son temps est accaparé par l'écriture d'un livre et le sauvetage d'une relation adultère. Intervient donc un autre personnage : celui du fils interprété par Alex Lutz. Lui, pourtant occupé par son problème d'addiction au crack va jouer ce rôle d'alerte que refuse le père, en cherchant des solutions pour assurer la survie de ses parents. Les scènes de discussion familiale sont très justement écrites et permettent au spectateur de ressentir subtilement le désespoir du films, les vestiges de l'amour qui a autrefois uni cette famille ainsi que les failles qui l'ont disloquée.
Le visionnage est ludique puisque le procédé de split screen laisse au spectateur le choix de porter son regard où il le souhaite. Cela est parfois facilité par l'absence d'action ou la répétition d'une action monotone dans un des deux écrans, ce qui permet de ne pas perdre le spectateur. Si les plans sont en majorité fixes, le montage est toutefois dynamique grâce à ce procédé et également grâce à des très brèves ellipses sous forme d'écran noir qui créent un certain mouvement.
Certaines scènes sont chargées en émotion grâce à une écriture sobre et à des interprétations sincères. La plus intense reste celle où l'équilibre du film s'inverse. L'urgence se situe cette fois du côté du père, l'absence de réaction du côté de la mère. Le père est victime en pleine nuit d'un sévère souffle au coeur qui hante encore les oreilles du spectateur bien après la séance. Toute la scène est insoutenable mais très maitrisée.
Il est en revanche dommage de constater que d'autres scènes sont moins maitrisées et plongent trop dans le sordide. Tout d'abord, le choix de doubler le récit de la fin de vie des parents par la survie du fils, addict au crack mais en rédemption après un passage en hôpital psychiatrique et qui élève seul son propre enfant suite à l'internement en asile de sa femme, fait basculer peu subtilement le curseur du film vers le mélodramatique. Et si le procédé de split screen laisse la plupart du temps le choix au spectateur, il est dur de savoir où regarder quand une fenêtre nous propose le fils consommant du crack tandis que l'autre nous montre la mère en train d'explorer à main nue la cuvette des toilettes.
Le procédé de mise en scène du film est maitrisé et efficace et s'accorde parfaitement avec le scénario. Il est toutefois regrettable que le récit préfère par moments le mélodramatique et le sordide plutôt que de creuser plus subtilement les failles qui ont pu déchirer cette famille qui n'apparaitra jamais unie à l'écran. Si plusieurs scène délivrent une belle émotion, la plus violente et la plus lourde de sens restera celle de cette bande noire qui scinde l'écran.