James Bond est de retour et il a bien changé !
James Bond est de retour et se plonge dans les marais sanglants du trafic de drogues et du Vaudou !
James Bond est de retour et fait brûler les cartes, littéralement !
Entre un réalisme et un fantastique inédit dans la saga, loin des enjeux politiques usuels, voici le Bond nouveau en quelques cartes:


Le Ressuscité: un nouveau James Bond


Après Les Diamants sont éternels, la saga EON retrouve Guy Hamilton, justement réalisateur de ce dernier volet. Mais elle est une nouvelle fois veuve de Sean Connery, alias James Bond, le personnage principal. L'idée est de ne pas refaire l'impair de prendre un acteur pour sa ressemblance physique avec Sean Connery pour faire du Sean Connery sans Sean Connery. L'idée est de trouver une vedette qui plaise au public, qui est attendue par lui et qui se marie mieux avec l'humour montant des dernières réalisations que ne l'a fait Sean Connery sur Les Diamants sont éternels. Le choix semble évident: ce sera Roger Moore, un proche de la production, adulé du public pour ses trois grandes séries iconiques Ivanohé, Le Saint et Amicalement vôtre. Il est également réputé pour son interprétation parodique de James Bond en 1964, l'année de Goldfinger, aux côtés de Millicent Martin dans James Bond en vacances, un sketch du Millicent Martin TV show.
Un James Bond plus humoristique, plus vacancier et plus estival, à l'image de cette interprétation officieuse.
Dès les affiches, on annonce un dépassement de l'humour plus sobre mais aussi plus enfoui et plus noir de Sean Connery par l'humour dévastateur de Roger Moore, le patronyme Moore y remplaçant l'adverbe more . Un gigantisme et un humour appuyé par cette volonté de dépassement inscrite jusque dans le choix des interprètes de 007 et de sa James Bond Girl: Moore Seymour: More, say more ! And not live and let die ! Un humour que certains jugent à l'emporte-pièce - sans doute les spectateurs boudeurs qui préfèrent l'immonde scène de séduction au papier à lettre perdu de Quantum of solace - mais qui a le mérite, outre d'être meilleur en version originale, de s'inscrire dans l'air insouciant de son temps, les années 70. Un humour flower power.
C'est d'ailleurs ce qui pose un sérieux problème à Roger Moore. Vivre et laisser mourir représentant sa première prestation dans le rôle, l'acteur cherche ses marques. Ainsi, après avoir ouvert le bal avec une scène vaudevillesque au possible (qui pastiche Notre homme Flint: patron qui vient chercher son agent à domicile, maison truffée des gadgets du modernisme, chemise de chambre jaune, tout y est !), il propose plusieurs alternatives sérieuses comme son regard grave à l'allusion du nom de sa femme défunte, son côté retors et pervers lorsqu'il truque le paquet de carte de la grande prêtresse ou encore sa lutte contre des crocodiles affamés qui l'encerclent. Moore cherche à ressembler un chouya à son prédécesseur pour ménager les susceptibilités et cela le gâche. Prêt à tout, il va jusqu'à remplacer Q au pied levé, Desmond Llewelyn étant occupé ailleurs. Ce qui augure mal pour lui et pour le film. Mais qui n'empêchera pas l'innovation des gadgets qui laissent le héros en plan dans des instants critiques, comme dans la tentative de 007 d'attirer à lui au moyen de sa montre-aimant une barque ferrée pour fuir des crocodiles voraces. Innovation dont se souviendra Tom Cruise en 2012 quand il relancera la mode des gadgets avec ceux, tantôt utiles, tantôt défaillants de Protocole fantôme.
Innovation est le maître-mot de Vivre et laisser mourir comme de Casino Royale. Mais là où le second s'y adonne de manière sauvage pour confirmer cette tendance jusqu'à Skyfall, le premier fait des tentatives sur lesquelles il saura revenir dès le film suivant. En effet, Roger More troque le Vodka Martini pour le Bourbon sans glace et la cigarette pour le gros cigare. Certains y voient l'incarnation de l'embourgeoisement de Bond. Ils auraient tort de s'inscrire en faux contre cette innovation car elle est normalement introduite dans le film. Le post-générique démarre dans la grande maison de Bond qui tranche avec le petit appartement qu'il possède dans Docteur No.

Le Docteur No, un film auquel on compare souvent Vivre et laisser mourir. On peut y voir une velléité de reboot, de remake et il n'est pas faux de considérer Vivre et laisser mourir comme le Docteur No de Roger Moore. Effectivement, les deux films se font écho. Mais Vivre et laisser mourir est bel et bien pensé et écrit comme une suite, à l'exemple de la scène où un chauffeur vient chercher Bond à l'aéroport. Fort de son expérience avec Mister Jones dans Docteur No, Bond a su trouvé une astuce pour ne plus être dans le doute. San Monique remplace Crabe Key mais la sauvagerie forestière et funéraire comme la base souterraine ont pris le pas sur le sable, la mer et la base sous-marine. Quarell est remplacé par son fils, Félix Leiter est de retour - lui aussi campé par un nouvel interprète, David Hedison, un proche de Roger Moore, qui lui est très semblable dans le jeu et l'humour, connu initialement pour le reboot en série des aventures de l'espion Five Fingers. Mais là où le restaurant de Puss-Feller était un QG d'alliés, la chaîne de bar-restaurant Filet of soul (on appréciera le jeu de mot) s'avère un ensemble de repaires cachés de Mister Big.
En somme, Roger Moore entre de façon aussi problématique mais plus soft que Daniel Craig dans la saga. Brett, le spirituel et le séducteur, convainc plus que Daniel, le violent. Ils forment le duo de vilains petits canards de la saga, les Bond-almost-Persuaders.


La Mort: Fantastique et Vaudou


Bien qu'étant le premier volet mettant en scène Roger Moore, Vivre et laisser mourir n'en demeure pas moins un James Bond qui possède sa dynamique et son esthétique propre. Plus réaliste et à échelle moindre, s'éloignant du contexte de la guerre froide et du SPECTRE pour chasser les dealers et le cannabis, le film s'inscrit avant tout dans un décor américain très pittoresque, peut-être trop relégué à l'arrière-plan par le monde vaudou. Bien des fois, le spectateur a l'impression d'évoluer avec Bond dans des tableaux vivants d'Edward Hooper, avec leurs maisons rouges, ses intérieurs, ses ports, ses bords de mer. Le Filet of soul de Mister Big emprunte au Phillies des Nighthawks comme le costume des agents tués en pré-générique emprunte à celui des clients douteux de ce tableau.
Ce cadre réaliste, très carte postale, prépare pour l'intégrer l'obscur monde du vaudou, ses bayous et le fantastique qui fait son aura. Dans cette optique, les folles poursuites en bateau à moteur qui plongent dans les piscines privées, mettent à sac les mariages, survolent les routes, trouvent leur place dans les calmes et terribles marais de Louisiane qui découvrent étonnés l'agitation que Bond entraîne avec lui.
Cette agitation fantastique qui sort le spectateur du réel, dont se souvient le one-shot d'Heineken The Chase en 2015 et qu'annoncent très tôt les cartes de Solitaire. Car ce volet des aventures de 007 se distinguent surtout par l'acceptation d'une certaine magie inhérente aux différents personnages comme celui de Solitaire, la grande prêtresse, qui se fait craindre des gens de San Monique sans ne jamais les avoir rencontrés et qui lit le présent et l'avenir dans les cartes.
Outre la chiromancie omniprésente, à laquelle s'ajoute tout une panoplie d'artefacts vaudous tels que les faux serpents, les épouvantails (revus à la sauce espionnage et 007), les chapeaux à plumes, il y a les acteurs, presque tous noirs.
D'où un film très noir sans aucune violence réelle; un film où la plupart des acteurs de la distribution sont noirs. C'est ce qu'on a coutume d'appeler la blaxploitation, à savoir des films où la plupart des rôles - et souvent des rôles majeurs - sont incarnés par des noirs. A l'image du grand méchant de ce James Bond qui pose à la manière de 007, entouré de femmes noires de San Monique.
Pour autant, il ne faut pas en déduire que la saga EON ne fait que suivre un mouvement de cinéma à succès dans les années 70. A vrai dire, ce mouvement est initié en 1964, soit neuf ans plus tôt, à l'époque de Goldfinger qui ne s'en empare pas. Le recours à la blaxploitation se trouve justifié par le choix du vaudou, présent dans le roman, auquel il confère le réalisme et l'aspect sauvage. Le casting ne se limite d'ailleurs pas à la négritude de ses personnages, chaque acteur et actrice a fait le choix d'une spécificité digne d'une carte de tarot vaudou. Le plus évident étant le chorégraphe Geoffrey Holder, réputé pour participer à ses films en tant qu'acteur et chorégraphe comme dans Alice au pays des merveilles en 1983 où il incarne le Chat du Cheshire. Tout aussi loufoque et inquiétant que dans cet animal et rompu au rôle de danseur vaudou de ses débuts de carrière, il campe un Baron Samedi, esprit de la mort et des cimetières, dansant,ricanant, jouant de la flûte et faisant flamber des cartes, se promenant parmi les tombes quand il n'en ressort pas. Un rôle qui reste le meilleur de sa filmographie, l'un des plus singuliers des méchants de James Bond à égalité avec Oddjob, le lanceur de chapeaux aux bords tranchants, et Requin, l'homme géant aux dents d'acier. Holder a d'ailleurs donné de sa personne pour le rôle, se jetant malgré sa phobie des reptiles dans un cercueil rempli de serpents, pour impressionner la princesse Alexandra, de la famille royale, en visite sur le plateau de tournage. Le Baron Samedi, que l'on retrouve dans de nombreuses adaptations vidéo-ludiques, reste aussi l'un des plus inquiétants, incarnant à lui seul l'ambiance fantastique anxiogène de Vivre et laisser mourir, puisqu'il


ferme le film dans un rire démoniaque, apparaissant assis à l'arrière du train qui ramène Bond et Solitaire à Londres, tandis qu'on le croyait mort. Mais la Mort ne peut pas mourir, isn't it?


Outre cet impressionnant personnage, on trouve le grand méchant de l'histoire, que l'on peut appeler l'Homme double. Car Bond cherche à établir les liens qui unissent le diplomate insulaire Kananga au patibulaire mafioso de Harlem surnommé Mister Big. Physique différents, langages opposés - l'un parle en politicien, l'autre un argot suranné - tout les distingue. Et c'est pourtant bel et bien le même personnage que traque Bond, un méchant à double facette impeccablement campé par le jouissif et génialissime Yaphet Kotto, connu pour son rôle dans Thomas Crown et qui refera parler de lui dans Le Huitième passager. Un méchant qui se distingue plus par sa dualité que par son col mao, hérité de Blofeld et du Docteur No. Il incarne cette indécision du spectateur face aux événements fantastiques du film: en tant que Mister Big, il se moque du vaudou et des prédictions, ces "trucs à la gomme", en tant que Kananga, il semble longtemps y croire dur comme fer avant d'afficher une insouciance rieuse en fin de film. A moins que Big n'ait pris le dessus devant la perte des pouvoirs divinatoires de Solitaire.
Il peut compter sur l'aide du Baron Samedi et d'un personnage plus méconnu et injustement déprécié, Murmure. Bon compromis entre la figure métonymique de l'esprit présent par ses chuchotements et le ridicule d'un homme de main obèse n'ayant que peu de souffle pour parler, le personnage joué par Earl Jolly Brown en grande discrétion, est tout de même le premier du film à attaquer Bond par deux fois: il empoisonne le chauffeur de Bond grâce à un lance-fléchette dissimulé dans son rétroviseur puis il réapparaît pour introduire un serpent dans le bain de l'espion avant de jouer les serveurs. Rôle de serveur qu'il tient jusqu'au bout et qui inspirera Spectre en 2015.
De nombreux autres hommes de main viennent grossir les rangs de Kananga, comme Adam le flingueur (Tommy Lane), le chauffeur de taxi, un faux cireur de chaussures, de faux serveurs, tous dirigés par son bras droit, Tee-Hee, sorte de Capitaine Crochet noir, impérialement joué par Julius W. Harris (Les Nouveaux exploits de Shaft), qui en manque, lui, de bras droit, ce dernier ayant été happé, dévoré par un alligator puis remplacé par un bras métallique pourvu d'une pince en étau. Sa dernière attaque l'éloigne de son trop plein de civilisation du reste du film et laisse apparaître la bête sadique, rejoignant la métaphore de l'homme animal des romans de Fleming. Dévoré partiellement par un alligator, il est devenu une sorte d'alligator humain, ce qu'a bien su porté à l'écran par son jeu Julius Harris.
Pour autant, la couleur noire de peau n'est pas, comme ont pu l'avancer certains critiques, signe de criminalité dans le film. Harold Strutter, par exemple, interprété par Lon Satton, est une sorte de Félix Leiter noir, qui entre en scène à la façon de Félix Leiter dans Docteur No. Il possède d'ailleurs le même ton sarcastique et le même cynisme. En d'autres termes, pourquoi donner le rôle de Félix Leiter à Jeffrey Wright dans Casino Royale quand il eût pu ressusciter Harold Strutter? Les mystères du politiquement correct.
Autant de personnages noirs aussi étranges et banals que des figures de tarot. Quand on les croit uns, ils sont doubles. Quand on les croit morts, ils surgissent bien vivants, à l'instar des têtes devenant crânes puis redevenant têtes dans le générique. Si bien qu'on glisse vite dans l'incertitude du fantastique: la magie noire existe-t-elle? Apparemment oui, car un prêtre vaudou aurait dévoilé sur le tournage un avenir depuis vérifié avec une incroyable précision tant pour Roger Moore que pour Jane Seymour.
Vivre et laisser mourir va vous faire croire à la magie noire.


Les Amants: Des James Bond Girls semblant pâles, peut-être à tort


Les Amants. La carte revient souvent dans le film, venant troubler la vie paisible et mystique de Solitaire. Elle représente la seule part de magie que Bond peut maîtriser et avec laquelle il peut tricher. Elle illustre parfaitement le rapport ambivalent que le film entretient avec la magie.
Les Amants. "Nous deux?", suggère Bond en plongeant son regard au plus profond des yeux de Solitaire.
Bien des spectateurs répondraient non, peu attirés qu'ils sont face à des personnages féminins en apparence représentés comme faibles, pâles, sans aucune consistance.
Ce serait une erreur. D'abord, parce qu'ils songeraient avec cet esprit moderne qui veut des femmes masculinisées au possible, s'emparant triomphalement d'anciens rôles masculins, pour les considérer comme des rôles forts. Dans cent ans, ce sera l'inverse et Laurent Croft remplacera Lara. Alors, certes, Madeleine Smith, figure bien connue de la Hammer, se complaît dans un rôle simple de conquête italienne de Bond lors de sa dernière mission, Miss Caruso. Le personnage est si faible que les jaquettes de DVD l'ont souvent assimilée au film suivant, dans lequel elle n'apparaît pas. Cela dit, la belle personne, pour perdre dans la comparaison avec son modèle fort qu'est Sylvia Trench, reste attachante et même érotique tout en donnant dans le vaudeville convenu. Cette beauté froide à la peau pâle, aux cheveux noirs et aux yeux bleus place d'emblée Bond dans un monde d'épouvante, proche du gothique, hautement fantastique.
Rosie Carver, le personnage un rien craintif, débutant et gaffeur de Gloria Hendry, une habituée de la blaxploitation, n'est pas, comme beaucoup le disent la première James Bond girl noire de la saga mais elle est la première à prendre autant d'importance. Elle-même agent double intégrée à la CIA pour le compte de Kananga, elle ne sert que peu la piste narrative qu'elle crée, servant davantage l'humour.
Reste donc - si l'on excepte Miss Moneypenny, toujours royalement interprétée par Loïs Maxwell - la grande prêtresse Solitaire. Le personnage, dont le nom est un jeu de mot sur les différents sens de pierre précieuse, de jeu de carte et d'état moral et géographique, est incarnée par Jane Seymour, que le film fait connaître à l'international, généralement réputée pour son rôle de Docteur Queen, femme médecin. Plus que simplement mignonne parce que fragile, Solitaire est un rôle intéressant car il présente une femme enrôlée dans l'équivalent d'une secte et qui va ouvrir les yeux sur le vrai monde avec l'arrivée de cet élément perturbateur qu'est 007. C'est un personnage d'une grande originalité qui ne sert pas de prix aux efforts du héros masculin mais représente un disciple à guider vers la lumière. Pour preuve, Bond lui donne plusieurs leçons. C'est une Honey Rider bien plus naïve que Bond, ne serait-ce que pour se faire pardonner, décide de prendre sous son aile. Ne figure-t-elle pas non plus le spectateur enfermé dans les codes conneryens dont Roger Moore prétend ouvrir les horizons. En cas de défaite, dans une scène de gagne au carte de Solitaire contre Bond, Moore semble prêt à se coucher et suivre les avis du spectateur. Un spectateur qui, comme Solitaire après l'ultime combat contre Tee-Hee, peut être exaspéré de ne pas comprendre l'humour de Bond simplement parce qu'il ne le comprend pas tel qu'il le devrait.
Et plus simplement, bien menteur qui prétend ne pas apprécier ces trois adorables James Bond Girls qui, certes, n'ont pas la combativité de Lara Croft mais l'égalent sinon la dépassent sur le plan sentimental.


Le Bouffon: Permis de railler


L'un des principaux défauts pointés de ce film, c'est son humour qui tend à l'exagération et, qu'à défaut de pouvoir le qualifier de franchouillard, on nomme potache.
Icône de cet humour qui partage l'auditoire, le Sergent J.W.Pepper, joué avec brio par Clifton James Jr. Ce personnage de policier borné, chiqueur et raciste effectue son entrée dans la saga avant L'Homme au pistolet d'or et la reprise non nominative du personnage par Superman 2 où le Sergent rencontrera carrément le Général Zod.
Dans ce premier volet, le Sergent se cantonne à la poursuite d'Adam et Bond dans le bayou. Il apporte une touche comique que l'on peut dénigrer après quelques visionnages mais qui de prime abord ponctue agréablement et fluidifie la longue poursuite en bateau des personnages qu'il traque. Mieux, il en viendrait presque à leur voler la vedette ! Sacré Pepper ! Ce n'est que dans le film suivant que, toujours sympathique à retrouver, il deviendra plus gênant.
Permis de rire et permis de railler aussi !
Près de dix ans après que Bond ait comparé boire du champagne tiède à écouter les Beatles sans boules QUIES, en voici deux à son service ! Deux et pas des moindres: George Martin à la musique, Paul et Linda McCartney aux paroles pour un des génériques les plus fous, les plus sauvages, les plus endiablés de la saga. La musique est si bonne qu'un bon nombre d'émission télévisuelles et radiophoniques ont décidé de la reprendre à leur compte pour leur générique. Un succès musical pour James Bond qui fait mentir ... James Bond ! A charge de revanche ! Le nouveau Bond et les Wings, le nouveau groupe de McCartney, prennent leur envol !


La Dame de coupe inversée: là où le bât blesse.


Si le film n'a que des qualités, apparentes ou cachées, il perd beaucoup de crédit avec la mort du Dr Kananga. Guy Hamilton, qui a voulu retenter une mort aussi loufoque que celle de Goldfinger, n'a pas trouvé un public aussi réceptif. Peut-être parce que Vivre et laisser mourir, s'il est bien, n'atteint pas les sommets dorés de Goldfinger. Le méchant, ayant avalé de force une balle anti-requin, se gonfle, se gonfle, se gonfle comme la grenouille de la fable et crève. Il explose de façon formidable, sur quoi Bond commente en fin psychologue mais moins fin blagueur qu'il souffrait d'une enflure du moi. Drôle, cette scène apparaît néanmoins comme une exagération de la scène déjà exagérée où Goldfinger s'envolait à travers un hublot et restait un temps coincé avant qu'un trou d'air ne l'éjecte jouer de la harpe d'or avec les anges. Beaucoup butent et peuvent buter devant cette allusion qui fait l'effet d'une ligne rouge outrepassée.
Ce n'est pas mon cas, car j'aime la folle fantaisie de ces deux scènes.
Pour moi, le réel défaut, valable pour toute la période Moore, réside dans la version française. Cette dernière n'a pas fait beaucoup de choix heureux dans la traduction même si plusieurs plaisanteries sont difficilement traduisibles.
Par exemple, lorsqu'un allume-cigare fait entendre la voix de Félix Leiter dans la voiture de Strutter, Bond note: "It's Félix: it's a lighter". Le jeu de mot se fait sur Leiter et lighter. La version française propose un timide: "C'est tout Félix: c'est lumineux".
La version française affiche également une exagération de l'argot noir de Harlem opposé aux sorties recherchées de Roger Moore avec des expressions douteuses telles que "On s'paie une tête?" qui obtiennent des réponses telles que "Non, je musarde, merci" en traduction de "May I help you,Sir?" / "No, thank you, I'll manage it". Cette double exagération se retrouve dans la traduction du nom de Big - nom qui justifie sa mort explosive - par Grosbonnet, ridicule.
Cela sans compter les rajouts en langage maronné dans certaines scènes, grotesque et inutile. Merci M. Puymatin: allez donc vous occuper des Simpsons!
Mais surtout, la version française fait revenir Claude Bertrand pour doubler Roger Moore. Connu pour les voix de Moore et de Spencer, Bertrand module sa voix de l'aristo toc type O'Maley le chat de gouttière des Aristochats à la brute de Baloo dans Le Livre de la jungle ou le Capitaine Haddock du Lac au requins. Tout le paradoxe est que cette voix, de Vivre et laisser mourir à Moonraker, souligner le côté aristocrate déjà bien appuyé de l'original puis conférer, de Moonraker à Dangereusement vôtre, un air bêta et vieillissant à un Roger Moore qui se perd dans une période américanisante notamment sensible dans Ffolks.
Dans Vivre et laisser mourir, le Roger Moore de Claude Bertrand fait donc trop aristocrate et les allusions françaises aux cavaliers d'Offenbach, récurrentes, ne sont pas là pour arranger les choses.
Cet aspect déjà dérangeant dans ce volet est la principale cause d'un désamour de beaucoup de français pour le James Bond Jolly Roger de Roger Moore.


L'Invocateur: La source de Spectre


En conclusion, Vivre et laisser mourir est un bon James Bond, qui a un peu vieilli et qui souffre de sa version française comme de certaines conceptions hors de saison d'un cinéma plus moderne.
Cinéma plus moderne hypocrite qui trouve ses inspirations dans Vivre et laisser mourir.
Sans revenir sur les apports de ce volet à Mission:impossible ou aux habits noirs du Jason Bourne de La Mort dans la peau, on notera les affiches et les bande-annonces du film Spectre, 24e volet, qui reprennent la dégaine de Roger Moore à la fin de sa première aventure et en particulier l'affiche présentant un impact de balle dans une vitre, sans oublier le costume de Baron Samedi porté par 007 lui-même et les cris de la foule de Mexico rappelant ceux du peuple de San Monique lors de leurs rites vaudous.


Vivre et laisser mourir est donc l'une des références incontournables de l'univers James Bond et mérite d'être vu comme tel.

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le 24 août 2016

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Frenhofer

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