Visages Villages est d’abord le récit de la rencontre entre deux artistes, deux générations : Agnès Varda et JR. C’est aussi un documentaire qui met en avant la France et ses habitants avec une certaine ironie et toujours une grande douceur.


Passées les premières minutes et cette voix off (celles de JR et Agnès Varda) un peu agaçante car sur-jouée avec des vannes pas toujours bien senties, on comprend que l’intérêt de Visages Villages est à trouver ailleurs que dans les digressions de ses deux protagonistes. En effet, c’est quand ils filment visages et villages que les deux réalisateurs et artistes trouvent leur équilibre. Nous partons donc à la rencontre de ses corps qui parfois nous livrent une partie de leur histoire. Le film (financé en partie via la plateforme Kiss Kiss Bank Bank) semble n’avoir aucun plan de route et c’est le hasard qui prédomine, quitte parfois à donner une impression de brouillon et à laisser les deux baroudeurs divaguer de manière peu productive. Pourtant, il y a aussi de la joie, de la mélancolie et de la douceur dans ce qui est visible à l’écran. C’est que JR et Agnès Varda ont la volonté de mettre l’autre en avant, de réunir, de construire une petite collectivité, même éphémère. Ils amènent les personnages qui sont avant tout des personnes réelles à se livrer, à s’émouvoir. De cette femme, dernière habitante d’une rue promise à la destruction, qui voit tout à coup son portrait en géant s’étaler sur sa maison, à ses familles réunies à Pirou (une plage de Normandie) sorte de village fantôme jamais habité et soudain peuplé de rires, en passant par ses trois femmes de dockers qui s’étirent en grand sur les conteneurs et acceptent de « s’asseoir dans leurs cœurs ». La solitude est aussi interrogée, revisitée.


Et pourquoi pas une chèvre ?


En chemin, Agnès Varda s’émeut du sort des chèvres dont on brûle injustement les cornes pour plus de rentabilité et voilà que surgit d’un garage un homme qui observe la chèvre photographiée et placée là au milieu de nulle part. De cette rencontre incongrue naît le burlesque, le désir d’imagination. C’est ce que recherchent les deux artistes depuis toujours, Agnès Varda par ses films et JR par ses photographies-collages anonymes. Les yeux d’Agnès Varda finissent par nous hanter, alors qu’ils partent en voyage sans son corps (comprenez que JR les a photographiés puis affichés sur un train), ceux de JR restent invisibles car sa création, sa liberté se jouent toutes deux de son anonymat partiel, fabriqué. Les deux en jouent, se chamaillent, s’écoutent parler et au détour d’un rendez-vous manqué avec Godard, se retrouvent, se découvrent et décident de continuer la route ensemble. La musique de Mathieu Chedid vient accompagner discrètement ce voyage improvisé, nos cœurs finissent, quant à eux, apaisés.

eloch
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Encore plus de femmes réalisatrices en 2017 et 2017 côté salles obscures

Créée

le 18 juil. 2018

Critique lue 187 fois

eloch

Écrit par

Critique lue 187 fois

D'autres avis sur Visages, villages

Visages, villages
Simon
2

Mamie et grand dadais vont piqueniquer

Presque tout est dérangeant dans ce film. On nous le présente comme un voyage de deux artistes à travers la France. Mais on s'aperçoit bien vite qu'il n'y a pas de trame, pas d'idée autre que...

le 16 juin 2017

25 j'aime

3

Visages, villages
EricDebarnot
5

Les lunettes noires

Même si l'on parle ici d'Agnès Varda, cinéaste dont nous aimerons toujours une grande partie de l'oeuvre, et même si ce talent qui était le sien pour capter la vie avec sensibilité, légèreté et...

le 10 juil. 2018

17 j'aime

Visages, villages
Moizi
9

France Tour Détour Deux Enfants

Visages, Villages est sans doute l'un des meilleurs films sortis en 2017. Agnès Varda reprend la caméra quasiment dix ans après son dernier long métrage : Les plages d'Agnès, pour quelque chose...

le 27 janv. 2018

16 j'aime

Du même critique

Juste la fin du monde
eloch
4

Le cinéma de Dolan est mort, vive le cinéma !

Qu'il est difficile de s'avouer déçue par un cinéaste qu'on admire beaucoup et dont l'oeuvre a su nous éblouir, nous toucher, nous transporter. Oui, je l'écris, ce dernier Dolan m'a profondément...

le 21 sept. 2016

116 j'aime

12

The Voices
eloch
7

"Sing a happy song"

Marjane Satrapi a été sélectionnée au festival d’Alpe d’Huez début 2015 (qui s’est déroulé du 14 au 18 janvier) pour son dernier film. Disons qu’au premier abord ça ne ressemble pas vraiment à la...

le 20 janv. 2015

91 j'aime

7

Chungking Express
eloch
10

" Hier, on se regardait à peine ... Aujourd'hui nos regards sont suspendus "

"Chungking express" est un film que j'ai trouvé absolument merveilleux je dois bien vous l'avouer, je suis sortie de la salle où j'ai eu la chance de le voir pleine d'une belle joie, de l'envie de le...

le 27 févr. 2013

90 j'aime

24