Vincent, François, Paul et les autres... par Charles Dubois

Il y a tout un résumé de la beauté non exploitée de ce film dans le regard ému de Yves Montand, regard vague, oscillant entre mélancolie et bonheur d'un souvenir passé, entre force virile simulée et fragilité de l'homme amoureux et intérieurement blessé, ce Vincent accompagné par François, Paul et les autres... Il y a tout le vrai drame vers lequel tente parfois d'aller le film avant de décider de revenir à son récit pluriel d'hommes d'une époque très marquée (où l'on boit, où l'on fume, où l'on discute entre hommes, où l'on aime autant qu'on violente sa femme, où l'on est un homme et un entrepreneur fier.).


Alors ce Vincent, François, Paul et les autres... prend l'allure d'un film de potes tout autant que celui d'un drame sur l'amour raté, un film où la vie rattrape toujours tout (où un fou rire suit l'incendie d'une cabane, où une accolade et l'arrivée bruyante d'amis précipite la réconciliation de deux amis furtivement brouillés), grâce à l'évident talent de ses comédiens (un sacré casting tout de même, bien qu'une fois de plus, le génial Serge Reggiani soit trop mis au second plan).
Tout l'art de Jean-Loup Dabadie est là, là où les grands récits rencontrent les petits instants fugaces mais si beaux, où une engueulade politique éclate autour d'un gigot, où les familles sont parfois plus celles qu'on se crée que celles imposées, son art de l'écriture tour à tour vraie et légère, et l'instant d'après grave et lourde de sens, notamment dans ses phrases que l'on ne finit jamais que contrastent celles définitives.


Et pourtant il manque à ce récit crépusculaire sur des amis vieillis une vraie ambition.
En se refusant de choisir un véritable héros (le titre l'indique), tout en en mettant clairement un en avant (Vincent - Yves Montand), le film devient déséquilibré et trop superficiel, n'allant jamais vraiment au bout de ce qu'il avance, manquant toujours l'essentiel, et l'émotion, comme contournant, comme le font ses virils héros, toujours les problèmes, ne les assumant jamais.


C'est peut-être l'expression d'une époque où le drame était tu, où l'apparente fermeté était valorisée, où l'on voyait d'un mauvais œil les épanchements et les aveux.


On regrettera donc amèrement que ce film au potentiel évident, se contente de la surface et de la mise en scène pauvre de Claude Sautet (malgré quelques habiles plans - une traversée d'étage vue depuis l'extérieur par exemple), refusant comme toujours de s'engager dans le drame pourtant bouleversant qu'il dessine, souligné par la jolie composition de Philippe Sarde.


Peut-être le seul film où Gérard Depardieu refuse un verre d'alcool...

Charles Dubois

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