Une veine, que dis-je, une artère de la science-fiction contemporaine, c'est "Qu'est-ce qu'on va devenir quand on aura tout saccagé?". Une petite idée plutôt porteuse, qui surfe sur nos inquiétudes modernes. Une fois qu'on aura lâché dans la nature le virus bien plus méchant que la grippette enragée qui nous a déjà bien claqué le beignet, ou déchaîné les foudres nucléaires pour des conflits de territoire qui dissimulent mal des problèmes d'égo, ou pompé la dernière goutte d'eau potable pour en faire le soda qui rend obèse ou le maïs qui ne nourrit pas, quoi ? Oui, quoi ? Cette histoire propose un énième scénario, dont l'originalité réside dans la relation organique des survivants à la technologie. Et ce sont des manipulations génétiques qui illustrent cette symbiose parfois délétère, sous la forme de tissus spongieux irrigués de veines ressemblant à des nervures (ou le contraire) et de fluides poisseux évoquant le blanc d’œuf, dans lesquels les ingénieurs deux point zéro enfoncent leurs mains sales et farfouillent de manière indécente. Une excellente idée visuelle, qui donne au film un petit côté cracra, en mélangeant la poussière, la boue, la morve et le sang. Comme si un Mad Max fatigué pataugeait dans la gélatine. Au milieu de cette nature modifiée et palpitante, parfois mortelle, les survivants calquent leur organisation sociale sur ce qu'ils ont toujours connu : les structures patriarcales, technologiques ou rurales, sous la forme de grosses citadelles flamboyantes regroupant l'élite ou de fermes isolées, façon Middle West américain, tentant l'autarcie. Continuent donc à se poser les sempiternelles questions liées à la domination, tout autant qu'à la complexité des liens familiaux. Et je me demande : est-ce parce que les scénaristes ne peuvent s'inspirer que de ce qu'ils connaissent, ou bien, une fois notre défaite totale consommée, serons-nous encore incapables d'innover et de développer un modèle coopératif révolutionnaire ? Parce que, s'il faut admettre qu'on en sera à s'inventer des esclaves pour nous décharger de nos corvées ou satisfaire nos pulsions incontrôlées pour l'éternité, j'aime autant m'asseoir au milieu de la route et attendre qu'un 38 tonnes déboule à gros renforts de particules fines. Sinon, c'était un chouette film, qui finit un peu abruptement.