Malheur m'en a pris d'aller voir Venom : Let There Be Carnage après tout le monde. Tout semble avoir été dit dans la presse ou sur les réseaux. Alors que faire ? Bon, tentons alors de donner une explication à cet inexplicable objet cinématographique. Rappelons-nous le premier Venom. Non, pas le film, ne soyez pas masochistes. Plutôt sa calamiteuse gestion par Sony et Arad Productions, qui a même rejailli lors de la promo avec un Tom Hardy plus désabusé que jamais d'avoir vu l'œuvre tronçonnée sur les bancs du montage. À l'arrivée, un succès commercial certes. Mais le retour de bâtons fut à la hauteur de l'injure faite au personnage, à son univers, à sa tonalité et à ses fans bien entendu. Et si Let There Be Carnage avait été envisagé non pas comme une rédemption mais en tant que punition ultime ? Une théorie bien sûr, loufoque sans aucun doute. Est-elle pour autant inenvisageable ?


Tom Hardy rempile et il l'a eu si mauvaise avec le premier qu'on lui laisse co-signer le scénario. Comment pourrait-il aller plus loin dans l'affront ? Pourtant, c'est ce qu'il fait. Eddie Brock, journaliste ? C'est bien simple, dans ce volet il aurait pu tout aussi bien être charpentier, barman ou ballerine qu'on ne verrait pas la différence. Brock est devenu un loser intégral, tellement idiot et mauvais à sa tâche qu'on se demande comment on peut décemment essayer de le faire passer pour un gratte-papier. Et face caméra ? En 2018, l'absence de crédibilité de l'acteur était pénible. Aujourd'hui, Hardy n'essaie même plus d'y croire lui-même. Sa destination ? Le point de non-retour. Il l'atteint avec brio. Loin de cachetonner avec indifférence, le comédien met toute son énergie à torpiller le personnage dans un sidérant concours de grimaces et de gesticulations. À moins d'être inconscient ou scatophile, je ne vois aucune autre explication que l'auto-sabotage pour justifier une telle contre-performance. Et le plus beau, c'est que le reste fait ton sur ton. Woody Harrelson et Naomie Harris cabotinent au delà de toute expression. Seule Michelle Williams arrive à faire illusion quand elle sert à quelque chose, donc très rarement.


Andy Serkis remplace Ruben Fleischer à la caméra. Autrement dit le pape de la motion-capture et le réalisateur de Mowgli, autrement plus réussi que le remake fainéant du Livre de la Jungle par Jon Favreau. Une valeur ajoutée pour la technique ? Oh que non. Si le carnage a lieu, c'est aussi parce que Serkis ne fait rien pour l'empêcher. Zéro investissement sur les scènes d'action, zéro tempo comique, zéro envergure, et comment passer outre ce rythme ? Comme le script n'avait visiblement aucun sens à l'écrit, le choix a donc été fait de boucler le film en quatrième (voire cinquième) vitesse. Le miracle opère : au lieu de masquer les très nombreuses aberrations, ce procédé les rend encore plus flagrantes. On se retrouve avec une trame abracadabrante, des transitions sans queue ni tête et des points d'orgue dévastateurs. Quelques exemples ? La séquence en animations, en décalage total avec le ton qui se voudrait débridé et sanguinolent (une seule goutte de sang dans tout le film). Tiens, ce combat entre Brock et son "colocataire" agrémenté d'effets spéciaux ignobles. Puis cette bataille finale, à ranger parmi les plus laides du genre. Tout cela tient pourtant de l'anecdote face au vrai "morceau de bravoure" de Let There Be Carnage situé dans une boîte de nuit. Un moment qui l'intronise comme héritier de Batman & Robin. Contre toute attente, Venom 2 assume une relation crypto-gay entre Brock et le symbiote puisqu'on y fait plusieurs références verbales. C'est à cet instant précis - au milieu de ce cataclysme provoqué - que la production devient un geste sympathique.


On pourra en penser ce que l'on veut, mais on ne pourra pas ôter au long-métrage sa grande cohérence dans le carnage. Rares sont ceux à avoir poussé le bouchon aussi loin, et c'est pour ça qu'on s'en souvient. Comment donc classer cette suite ? Insoutenable, honteuse et stupéfiante ; trop nulle pour être sauvée, trop mauvaise pour être oubliée. Admettons qu'elle fera date pour les films de super-héros. Impossible d'y rester insensible, ce qui la différencie de pas mal de productions équivalentes. On jubilerait presque à voir toute la clique rejoindre les rangs des super-héros depuis longtemps réduits à une formule marketing éculée pour y mettre la pagaille. Et qui sait, en finir avec ces interminables univers qui s'étendent pour mieux se ratatiner ? Au point où on en est, ça ne fera pas beaucoup de mal.

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le 21 oct. 2021

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