Massacre en règle d’un personnage culte

Venom n’est pas mauvais au point d’incarner un quatrième cavalier de l’apocalypse geek venant chevaucher aux côtés de Green Lantern, car il est moins saturé d’effets numériques hideux, de Catwoman, car il est un chouïa moins crétin, ou de Suicide Squad, car au lieu d’avoir toute une équipe de héros têtes à claques tu n’en as qu’un seul, mais c’est bien la seule chose positive que j’ai à dire sur ce film.


Tout d’abord, il faut garder en tête que les droits d’adaptation de l’univers Marvel sont principalement répartis entre 20th Century Fox qui possède les X-Men et les quatre fantastiques (et qui est en train d’être racheté par Disney), Sony qui détient Spider-Man avec tous les personnages l’entourant, et enfin Disney qui possède tout le reste via sa société Marvel Studios. Un vrai mercato s’est alors mis en place, Disney ayant « acheté » Spider Man à Sony pour plusieurs millions afin qu’il apparaisse dans 3 films (Spider-Man Homecoming, Avengers : Infinity War et a priori Spider-Man 2 : Far from home), laissant seulement à Sony les droits de certains des principaux ennemis du tisseur. Pas découragée pour autant, la firme à la PlayStation a produit un jeu SpiderMan sur PS4 (car la cession du personnage n’incluait que le cinéma, les renards) qui, à ce qu’il paraît, est très correct, et un film sur Venom pouvant potentiellement lancer une série dédiée aux super-vilains de l’homme araignée (l’épisode suivant étant censé se centrer sur Morbius, le savant fou vampire, joué par Jared Leto, autant dire qu’on a pas hâte), toutefois Venom, de ce que j’ai pu constater, est une catastrophe.


Improbable spin-off sans saga principale – aucun rapport non plus avec les Amazing Spider Man produit par Sony avec Andrew Garfield – Venom doit réinventer les origines de son antihéros intrinsèquement liées à Peter Parker. Une contrainte l’obligeant à sacrifier ses liens aux comics mais se traduisant à l’écran par un des aspects les moins ratés du film : la première partie, consacrée au journaliste d’investigation Eddie Brock incarné par un Tom Hardy au sommet de sa popularité, est plaisante. Attention rien d’innovant dans cette histoire de mec normal que le grand méchant (Riz Ahmed en magnat de la silicon valley sadique, pas crédible une seule seconde) va mettre à terre suivi de son obtention d’un super-pouvoir lui permettant de se venger tout en récupérant Michelle Williams, intérêt amoureux lisse comme dans une série B des années 90. En suivant un canevas aussi convenu, l’introduction arrive à tenir la route. Malheureusement, il ne faut pas attendre longtemps à partir du moment où Venom apparaît pour que le film s’écroule sur lui-même. Le récit déjà pas folichon se résume par la suite à une grosse incohérence de 1h30 entrecoupée d’aberrantes facilités scénaristiques jusqu’à un bordel numérique vomitif faisant office de baston finale suivi d’un dernier acte de vingt minutes, certainement pour approcher le format de 2h de tout blockbuster qui se respecte, où le personnage de Venom achève son suicide artistique. Un tour sur Allociné et on voit que sur ses 4 scénaristes, deux sont derrière le Jumanji de noël dernier avec the Rock et un a commis 50 shades of Grey, et là on commence à comprendre pourquoi ça a la gueule d’une soirée SM sur une station pétrolière en flamme.


Venom est ce que j’appelle un film Frankenstein, c’est-à-dire un melting-pot d’idées contradictoires et pas menées jusqu’au bout mal reliées par un paquet d’effets visuels aussi couteux qu’insipides. D’un côté on a ce méchant symbiote extraterrestre quelque part entre un Alien et un blob qui permet des scènes carrément horrifiques de « possession » mais deux minutes plus tard on tombe sur notre héros forcé de faire des clowneries dans un aquarium pour amuser les plus jeunes. L’espèce de Buddy-movie schizoïde entre Tom Hardy et cet ami extraterrestre qui lui colle à la peau est monstrueusement saccagé par l’inconsistance de ce dernier dont le caractère oscille entre un Prédator en overdose de Red Bull ou un E.T. tout gentil. Pareil, on a confié la bête au réalisateur de Bienvenue à Zombieland et de Gangster Squad, Ruben Fleische, mais, à une scène de poursuite près, on ne retrouve rien de son style fait de récit choral entrecoupé d’action Over-the-top.


Venom n’a aucune idée de ce qu’il veut être, la réalisation est plate 99% du temps, le scénario sans la moindre logique interne est un prétexte autant qu’une insulte, et si Tom Hardy trouve un certain équilibre en évitant le cabotinage ou le ton trop sérieux, son travail revient à balancer un verre d’eau sur un feu de forêt. Il est assez évident que Venom n’a pas compris ou essayé de comprendre son antihéros, on se retrouve avec un blockbuster particulièrement bancal et peu inspiré qui aurait pu s’appeler à trois détails près Hulk bave partout ou Musclor a des problèmes d’estomac. Même pour les fans, je déconseille, et si par malheur vous y allez, buvez la coupe jusqu’à la lie, restez jusqu’à la scène post-générique et son improbable perruque rouge.
A éviter.

Cinématogrill
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le 14 oct. 2018

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Cinématogrill

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