Quelques minutes avant d'aller le voir en salle, je lisais encore les critiques assassines que Venom compte déjà à son actif (sur senscritique, du moins), histoire de me préparer en bonne et due forme à passer un mauvais moment.


Visionnage enfin effectué, je dois reconnaître que je m'attendais à bien pire.


Certes, c'est à peu près aussi médiocre qu'on le dit, mais pas forcément pour les mêmes raisons. Par exemple, j'ai pu lire dans beaucoup d'avis que la performance de Tom Hardy "sauvait" le film du naufrage, alors que je l'ai personnellement trouvé à côté de la plaque ! Non pas que l'acteur y joue mal, mais soyons honnête, c'est plutôt pauvre en comparaison de ce à quoi il nous a habitué. Seuls quelques passages (comme celui où il tente désespérément de satisfaire l'appétit féroce de son alter-ego) s'avèrent véritablement efficaces.


Puisqu'on en parle, j'ai lu aussi que le film était involontairement comique. Pourtant, la salle a rigolé à chaque gag écrit en ce sens : la scène du restaurant déjà citée plus haut, la désinvolture de Venom, le voisin bruyant, quelques répliques bien senties, même l'apparition inopinée de


She-Venom


non, sérieusement, ça marche. Le côté comédie horrifique assumé est clairement l'un des points forts du film.


La seule chose qui m'ait fait rire sans que cela soit voulu (?) est le caméo de Woody Harrelson en Cletus Kasady. Sur papier, l'acteur a tout ce qu'il faut pour incarner le sérial killer psychopathe et rejeton de Venom. A l'écran, c'est juste Woody Harrelson qui nous refait ses mimiques les plus connues (yeux exorbités, lèvres pincées, etc.) le tout en étant affublé d'une perruque rousse totalement improbable. Manque plus que le nez de clown, un peu de maquillage et L'entrée des gladiateurs en musique de fond, pendant qu'on y est !


Ensuite, il parait que Venom souffre avant tout et surtout de l'absence de sa némésis, Spider-Man. Certes, la genèse de son personnage-titre étant étroitement liée à ce dernier, l'on peut comprendre l'indignation des fans à ce sujet. Mais au fond, qu'est-ce qui empêche de tout simplement se poser et apprécier la relation entre le symbiote et son hôte ? Pour ma part, outre le fait que l'histoire d'Eddie Brock soit respectée dans les grandes lignes (à ceci près qu'il se discrédite ici tout seul, là où Spider-Man était en partie responsable de sa disgrâce dans les comics), je trouve que le parasite et ses congénères constituent un matériau scénaristique suffisamment solide pour s'émanciper de l'univers du tisseur. Surtout grâce au personnage de Riz Ahmed, dont les motivations en font un antagoniste sortant un peu de l'ordinaire


Jusqu'à ce qu'il fusionne avec un symbiote rival de Venom et que l'on écope d'un grand méchant fadasse de plus, offrant un combat final difficilement lisible et atrocement convenu.


De même, j'ai lu que ladite relation, essayant de copier en vain Dr Jekyll et Mr Hyde ou The Mask (où avez-vous vu ça ???), était totalement ridicule, en particulier à cause d'un passage où Venom s'improvisait conseiller conjugal. En quoi est-ce ridicule ? En ce que Venom est censé être un vilain ? Parce que ce n'est pas fidèle aux comics ? Personnellement, je trouve tout à fait logique qu'une forme de vie extra-terrestre intelligente et impudique se mêle de la vie privée de son hôte humain, surtout depuis qu'elle y a libre accès. Et puis est-ce vraiment si infidèle aux comics ? Ces derniers ne développaient-ils pas justement la relation intime entre les deux ? Certes, ladite relation avait pour point de départ leur haine commune du monte-en-l'air, mais là où son homologue de Spider-Man 3 n'avait que celle-ci pour seule et unique motivation, Venom fait de son personnage éponyme un être beaucoup plus ambigu et imprévisible, ce qui est loin d'être inintéressant. Même en l'absence d'une violence digne de ce nom.


Ce qui nous amène à l'argument préféré des détracteurs, à savoir le retournement de veste de Sony à la dernière minute, faisant de son film, pourtant annoncé à l'origine comme un film d'horreur Rated R, un film tout public, dans l'espoir de voir un jour un crossover entre le Spider-Man du MCU et leur Venom (lui-même porte-flambeau d'un prétendu Venomverse dont la conception dépendra sans doute des recettes du film). Là, on peut être un peu plus critique, surtout quand on se rend compte du potentiel horrifique que possède le film et qui se ressent dans ses premières minutes. Cependant, malgré l'absence de têtes tranchées, membres arrachés et autres litres d'hémoglobine, Venom (et c'est tout à son honneur) s'avère étonnement plus regardable qu'un Deadpool ou un Logan, qui suivaient tous deux la stratégie inverse, c'est à dire se vendre intégralement sur leur Rated R – certes rarissime par les temps qui courent, surtout dans le genre super-héros – et miser sur une violence soi-disant "peu commune" pour faire avaler un scénario d'un déjà-vu exaspérant. Rien que pour ça, l'étrange hybride super-héros/thriller/horreur/comédie/action (et PG-13 par-dessus le marché) de Ruben Fleischer mérite qu'on se souvienne de lui !


En revanche, j'aurais un reproche personnel à faire au niveau du format réduit d'1h52. On sent que cela a été rushé à mort, en particulier dans les derniers instants ; ce qui est fort dommage, surtout quand on sait que près de 40 minutes ont été coupées au montage (dont les scènes préférées de Tom Hardy), nous privant d'un développement plus approfondi d'Eddie Brock et de son alter-ego, qui aurait d'ailleurs mérité bien plus de temps à l'écran. Toutefois, là encore, Venom s'en tire bien mieux qu'un certain Fantastic Four, ayant jadis écopé du même traitement (et n'y ayant pas survécu).


Et puis bon, Michelle Williams est excellente en Anne Weying, Riz Ahmed plus que crédible en Carlton Drake, Reid Scott et Jenny Slate jouent des personnages fort sympathiques, même des seconds rôles supposément insignifiants (comme la SDF marchande de journaux, le braqueur de l'épicerie chinoise ou encore le portier latino amical) se révèlent mémorables, cela nous change un peu de toutes ces têtes à claques apparaissant dans les quelques exemples cités plus haut !


Conclusion : est-ce dû à un nivellement par le bas du cinéma d'aujourd'hui, aux bonnes conditions dans lesquelles je suis allé le voir ou aux nombreux avis négatifs qui ont aidé à m'y préparer, allez savoir; toujours est-il que je ne me suis pas ennuyé un seul instant devant Venom. S'il n'est clairement pas le film que beaucoup de fans attendaient, il ne mérite pas pour autant le bashing auquel il a droit. Après tout, Deadpool et bientôt Spawn ont bien eu leur seconde chance, pourquoi ne laisserait-on pas à Venom le loisir de développer la sienne ?

reastweent
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le 11 oct. 2018

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