Attiré par les deux têtes d'affiche que sont Pierre Deladonchamps (que j'ai découvert magnifique dans Plaire, aimer et courir vite) et Ophélie Bau (révélée dans l'éblouissant Mektoub My Love : Canto Uno), ma décision fut prise : je note ce film dans mon agenda et je partirai à sa découverte !
Résultat des courses ?


Le film nous raconte la vie de Djé, un homme au charme et au physique ravageur... mais aussi et surtout un psychopathe insoupçonnable. A la rue, il n'a pas de papiers... Aux yeux de la société, il n'est rien. Il ne vaut rien.
Djé vit d'un petit boulot grâce à une connaissance, jusqu'au jour où il va intégrer une sorte de salon d'artistes dont fait partie une certaine Maya...


Vaurien veut montrer la violence ordinaire, notamment envers les femmes (on a quelques réflexions machistes de la part des collègues de Djé, durant son travail), et l'imprévisibilité du mal en rappelant au spectateur que le mal n'est pas une question de physique... Ce mal en la personne de Djé est superbement incarné par Pierre Deladonchamps qui campe très bien cet homme intelligent, qui cache bien son jeu et qui se la joue mystérieux et séducteur (et sa partenaire Ophélie Bau, bien que moins présente, n'est pas en reste).


Si vous vous attendiez donc à un film sur un tueur que le réalisateur montrera au moindre instant comme machiavélique et dangereux, passez votre chemin. Car le film est plus subtil que cela. Vaurien veut montrer une réalité sociale et donc des situations de la vie de tous les jours, situations dans lesquelles Djé vient s'inscrire l'air de rien et insoupçonnable.
Peter Dourountzis fait ici preuve d'intelligence car isolez ces scènes et montrez-les à quelqu'un qui n'a pas vu le film. Il se peut qu'il trouve Djé sympathique... Mais le spectateur, lui, sera empreint de malaise et d'ambiguïté. Il a envie de rire, mais il se sentira coupable car il se rappellera de la vérité...
Vraiment, c'était LA bonne idée pour montrer l'imprévisibilité du mal que de montrer le personnage agir avec sympathie... ou plutôt de manière sympathique.
Et c'est un choix logique somme toute car Djé, comme écrit plus tôt, est un homme intelligent qui doit bien cacher son jeu pour mettre ses meurtres à exécution...


Autre très bonne idée, celle de cette sorte de "salon d'artistes" (dans laquelle on retrouve une vraie street-artist qu'est KASHINK). Elle vient effectuer une opposition très intéressante avec Djé, un homme psychopathe tueur en série, alors que les membres du salon sont très engagés dans la justice sociale et viennent aider les plus démunis.


Notons également une beauté dans la réalisation avec un superbe travail sur le cadre. Certaines séquences réussissent à instaurer une superbe tension. Et enfin, une belle musique pesante qui vient renforcer le malsain de certaines séquences...


Mais le film n'est pas pour autant exempt de défauts, surtout au niveau du scénario, qui est son point fort ET son point faible... à commencer par la narration.


Elle est trop poussive et les longueurs sont présentes, si bien qu'au bout d'un moment, l'ennui viendra pointer le bout de son nez chez le spectateur. Son attention n'est pas assez captivée. De plus, Vaurien semble souffrir d'un problème concernant l'enchaînement des scènes ; le film semble, par moments, les aligner sans que rien ne vienne pour autant les relier.


Et aussi, le film souffre d'un certain manque de crédibilité, au niveau des dialogues et de certaines situations (déjà dans deux scènes situées au début du film (!), la tentative d'agression dans le train ou la rencontre d'une bande de jeunes à la terrasse d'un bar). D'ailleurs, si Vaurien est subtil dans son portrait de psychopathes, il l'est tout de même parfois moins dans sa dénonciation du machisme ordinaire (je pense à la mise en évidence d'un tag au sol, visible à peine une minute avant et subtilement dans un travelling avant).


Au final, Vaurien se révèle un film absolument pétri de bonnes intentions (celle de montrer que le mal n'a pas de visage et la violence ordinaire), mené par un réalisateur qui a passé 15 ans au SAMU Social. Cela se sent vu à quel point il réussit, par la réalisation et le scénario, à donner vie au milieu de l'aide sociale mine de rien. Il est juste dommage que quelques dialogues et situations manquent de crédibilité (parfois affreusement) et que le résultat soit quelquefois fort poussif avec de sévères longueurs.
Dommage, mais il faut reconnaître à Peter Dourountzis a suffisamment de talent pour continuer à m'intéresser !
Donc, à suivre...

The4thRoom
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le 11 juin 2021

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