Ce n’est pas si souvent qu’un remake soit pertinent et intelligent. Et qu’il soit en plus si bien pensé qu’il arrive à rester encore dans un coin de notre esprit quelques jours après le visionnage. Vanilla Sky fait parti de ce cercle fermé des films qui apportent une plus value à une œuvre originale pourtant déjà réussie. Comme d’habitude, la question étant le pourquoi partir dans un tel projet quand un long métrage est universel et peut normalement être compris par tout le monde. La réponse étant ici : adapter le film à un public plus large, et lui offrir une large audience. Mais l’important n’est pas là.

L’important est que, bien que l’œuvre originale soit espagnole et donc occidentale, c’est l’initiative même de Tom Cruise d’en faire un remake qui reste majeure. Bien loin d’un simple appétit du gain en réalisant une simple et pâle copie de l’original, Tom Cruise, en s’alliant avec son comparse Cameron Crowe avec qui il avait travaillé sur Jerry Maguire, montre ici toute son ambition à réaliser un film puissant et intriguant. Car bien qu’il n’en à pas l’air, Vanilla Sky, tout comme l’original Abre Los Ojos, est un film hybride mêlant thriller psychologique et science-fiction. Un projet bancal, pourtant réussi avec brio et virtuosité sans jamais prendre son auditoire pour un idiot à travers un habile mélange de genres et d’idées de mise en scène bienvenues qui offrent à ce remake tout son intérêt et sa pertinence.

Respectant pourtant d’assez près le séquençage original, Vanilla Sky arrive à imposer tout de suite son statut de film original et non de remake. Certes, les grandes lignes scénaristiques restent présentes mais le travail d’adaptation à un public plus large s’avère parfait de part le fait que le héros est un personnage moderne, qui laisse rêveur et dispose d’un caractère qui sied totalement à Tom Cruise qui s’avère pour l’occasion, fantastique. Habité par son personnage, réussissant à passer d’un sentiment à un autre, l’intrigue repose totalement sur ce héros incapable de faire face à ce qui lui arrive, perdu entre réalité et fiction et essayant à tout prix de retrouver ce qu’il à perdu : l’amour. Un drame romantique intelligent à travers lequel le réalisateur s’amusera à bouleverser les codes et jouer avec un spectateur en quête de réponses. Distillant des indices de ci de là, le scénario, bien qu’il soit assez simple à remettre en place, propose nombres d’éléments à analyser qui permettent au fil des visionnages de réaliser toute l’envergure du projet et la complexité psychologique des personnages. Complot ou non, qu’il rêve ou non, le héros à travers ses interactions avec les autres travaillera sur lui-même, et par extension, son spectateur aussi.

C’est bien là toute la qualité et l’intelligence du projet : son universalité. Bien que le héros principal soit la représentation habituelle du golden boy, il n’en à pas réellement ses traits de caractère. Aussi perdu que n’importe quel autre, son attitude et son désespoir face aux situations diverses qu’il affronte en fait un reflet direct du spectateur. La peur de l’engagement, de l’abandon, de l’échec ou même de la mort sont des thèmes majeurs et généraux auxquels tout le monde se doit un jour de faire face. Et là ou le côté horrifique et perturbant du film original aurait pu entraîner une barrière avec l’auditoire, la décision d’en faire un film un peu plus lisse mais traversé par les même interrogations permet donc une approche nettement plus large sans pour autant annihiler sa pertinence. Habillé d’autant plus par une réalisation plus raffinée et élégante, le film est sans cesse plongé dans un nuage flottant dans lequel on ne sait jamais réellement si l’on est en plein délire ou non.

Là est tout le talent de Vanilla Sky : réussir à proposer une expérience nouvelle quand pourtant l’histoire est déjà connue, sans dénaturer l’œuvre originelle, et en s’adaptant à une plus large audience. Plus doux, plus habile et doté d’une bande originale sublime et équivoque, le remake de Cameron Crowe figure parmi tous ces films qui arrivent habilement et sans chercher à être ostentatoire, à proposer une expérience universelle, intelligente et psychologique, tout en n’oubliant pas de nous émouvoir grâce à son panel d’acteurs/trices au firmament. Un petit chef d’œuvre.
Florian_Bodin
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le 29 janv. 2014

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Florian Bodin

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