Blockbuster de James McTeigue scénarisé et produit par les frères Wachowski, V pour Vendetta est un succès indiscutable, un film qui n’a plus besoin de faire ces preuves. Quant aux critiques, elles sont nombreuses et très majoritairement positives, discutant les différents aspects caractérisant ce métrage.

Pourtant, il me tenait fort à coeur de partager l’expérience personnel que j’ai eu lors de mes nombreux visionnages de V pour Vendetta. Cette expérience, s’est à la fois étoffée et éclaircie au fil des années, véhiculant des messages, des histoires et des concepts qui font échos en moi.


Car V pour Vendetta est un film qui s’aventure sur le chemin périlleux du parti-pris totalement assumé et qui va jusqu'au bout dans les idées développées.


Ce parti-pris est d’abord celui de la prédestination, de l’illusion des coïncidences, de la destiné toute tracée, de l’effet domino, de la concordance d’équations aboutissant sur un seul résultat possible.


Ce parti-pris c’est également celui de la vendetta, de la vengeance afin de rendre la justice au vertueux.


C’est aussi celui du symbolisme. Dans ce film tout passe par la puissance du symbole, le symbole de la révolte, le symbole du soulevement, de la libération, d’un monde meilleure, le symbole d’un changement qui repose sur une personna, sur un masque, sur une identité qui prévaut l’idée sur l’homme. Concrètement ce symbolisme se reflète tout au long du film par la lettre “V” (ou 5 en chiffre romain). V comme le numéro de cellule originel de notre homme masqué (qui fut emprisonné pour des expériences génétiques). De surcroît, V incarne la nouvelle identité d'un être qui est la résultante opposé (la contre partie) de ce que le système lui a fait subir. V n’est donc qu’un membre d’une équation systémique participant à son équilibre. En d’autres termes, pour citer notre cher bandit masqué “ce qu’on m’a fait est monstrueux, je suis donc un monstre”. Tous les fondements de ce film reposent donc sur ce symbole “V”. Cela se caractérise par l’un des discours les plus mémorables entendu au cinéma, celui où V se présente par un long monologue utilisant comme seul loi d’employer un maximum de mots commençant par V. Que dire de son interlocutrice à ce moment là: Evey. Pour V, ce n’est pas surprenant que notre chère Nathalie Portman joue le rôle d’une certaine Evey Hammond. Car le prénom Evey est encore riche de symbolisme. "E" est la cinquième lettre de l’alphabet soit V en chiffre romain. Quant au Y, il représente la 25ième lettre, soit VV (ou 5x5=25) (je sais c’est un peu tiré par les cheveux, mais ça fait sens selon moi et c’est loin d’être vain). Stricto sensu, Evey peut donc s’écrire VVVVV soit cinq fois (V) le symbole V. Evey représente donc, d’un certain côté, l’alter-égo féminin de V.
Il y aurait encore une ribambelle de choses à dire quant à la richesse du symbole “V” dans ce film. Les feux d’artifices en forme de V, les drapeaux du parti d’Adam Sutler configurés en V. Les cicatrices de Evey sur son front en forme de V etc …
Bien entendu, le symbolisme dans V pour Vendetta se reflète aussi par l’explosion du parlement anglais. Ou encore par les roses laissées sur chaque victime de V. Par extrapolation, le symbolisme est omnipotent dans V pour Vendetta, il opère quasiment tout au long du métrage. Je pourrais m’étaler longuement sur cette notion de symbolisme mais soyons sage et évitons le pavé indigeste car il y a encore beaucoup de choses à discuter.


Car V pour Vendetta va au delà de ces considérations cartésiennes et prend également le parti-pris de l’humanisme et des sentiments humains. Puisque si V se considère ou est considéré comme un monstre, comme un levier de la vendetta, celui-ci a encore une part d’humain. Cette part d’humain croît par ce relationnel amoureux avec Evey. 

Cette part d’humanité se ressent également au travers du commissaire Finch, allant au delà de sa raison et de ses fonctions de “Fingermen” du chancelier. Cela atteint son paroxysme à la fin du métrage lorsqu'il laisse son "masque d’enquêteur pour le régime” tombé pour faire place un nouvel homme. Un homme directement acteur de la révolte, laissant Evey actionner le levier d’un 5 novembre mémorable.


Dans V pour Vendetta, son parti-pris est aussi celui du référencement à l’art et l'Histoire. Ces références passent d’abord via le discours: Celui de V qui étayent ces arguments en citant des artistes, des auteurs de théâtre et de cinéma. De surcroît à son discours, c’est par le patrimoine de V que ce référencement s’exprime: les musiques classiques, le comte de Monte Cristo, les oeuvres d’art exposées dans sa demeure underground.
On peut également cité les possessions de Gordon Deitrich tel que le coran (qui lui coutera malheureusement la vie).
Par ailleurs, ces références sont véhiculées par le scénario en lui même. Celui d’une dictature, d’un régime totalitaire uchronique et dystopique. Celui d’un monde où règne la terreur, la peur, le mensonge, la corruption et le contrôle d’un gouvernement sur son peuple. Celui d’une société qui fait échos aux régimes hitlérien, staliniste, musoliniste, de Pinochet ou de Fidel Castro. Mais également celui d’un système qui se forge sa propre identité, sa propre idéologie, sa propre histoire. Celle d’un chancelier vaniteux à la colère visceral, à la haine véreuse qui se fait élire en utilisant l’épidémie d’un virus. Celle d’un parti politique qui prône le culte de la personnalité, le contrôle de l’information et des médias et l’utilisation des purges pour éliminer les activistes et les opposants politiques.


V pour Vendetta prend le parti pris du manichéisme. Un manichéisme parfois naïf et prévisible mais également un manichéisme riche, nuancé, contrasté et remis en question au travers d’un personnage masqué.


Comme légèrement susmentionné, ce film adopte également le parti-pris de l’idée et l’idéologie. Ici est défendu la puissance et l’impact immense d’une idée. Une idée va au delà du protagoniste qui l’a vectorise, elle ne meurt pas, elle est indélébile et inébranlable


V pour Vendetta prend finalement le parti pris du mensonge pour faire éclore la vérité, la vérité des citoyens, notre vérité. Celle d’une fausse prison pour se libérer de la peur et de la crainte. Celle d’un faux personnage pour véhiculer le réveil, la prise de conscience et la révolution d’un peuple; pour casser le verrou permettant un nouveau 5 novembre.


Notons qu’en plus du contenu, des parti-pris s’opèrent au niveau de la forme. Notamment la façon de filmer les scènes de combat (ces ralentis trépidant me font encore grincer des dents). Ici, on reconnaît bien la patte Wachowski, celle qui avait permis de leur tailler une renommée internationale lors de la sortie d’un certain Matrix en 1999.


En conclusion, l’ensemble de ces partis pris pouvait à tout moment dérailler, dériver, être dévié des sentiers battus. Dérailler par le piège du déjà vu, des stéréotypes, de la simplicité du propos. Dériver par le traquenard d’être un film non novateur, pas innovant, s’inscrivant sous la houlette d’un genre cinématographique bien défini. Finalement dévié par le danger d’être comparé négativement par la version BD, d’être sans envergures, de ne pas se détacher de la masse.
Dans V pour Vendetta aucun de ces culs-de-sac n’est emprunté. Ce film a pris des risques immenses mais ne sort pas de l’autoroute dictée par James McTeigue et les Wachowski. V pour Vendetta assume intégralement l’ensemble de ces partis-pris et va jusqu’au bout de son propos.


C’est pourquoi V pour Vendetta est, à mes yeux, un chef d’oeuvre dans sa catégorie, un métrage qui fait à la fois réfléchir et se remettre en question. C’est un film qui transcende les codes de son genre et vous donne des frissons révolutionnaires. V pour Vendetta est incontournable, inoubliable et incommensurable.

LéonEscomel
9
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le 11 août 2018

Critique lue 196 fois

LéonEscomel

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