VI VERI VENIVERSUM VIVUS VICI

Je me suis dit qu'en ce cinq de novembre, jour qui ne revêtait jusqu’à peu de temps de signification que pour nos amis britanniques et les quelques fondus de comics qui connaissaient déjà l'oeuvre de Moore, que j'allais prendre un peu de temps pour regarder à nouveau V. Ne voyez pas en moi un "anonymous" quelconque qui ferait une sorte de pèlerinage idéologique bon marché! Je n'ai malheureusement pas le talent en informatique pour hacker quoi que ce soit, mais sachez que si c'était le cas, je participerais avec plaisir aux réjouissances des hommes aux masques de Fawkes. Voyez plutôt un amateur de cinéma qui apprécie les bons films et qui à décidé de se faire une petite soirée hommage à ce 5 novembre qui est devenu pour moi depuis ma lecture de l'oeuvre de Moore une date tout à fait spéciale.

Peut-être faut-il que je tranche immédiatement dans le vif du sujet en vous disant qu'en dehors des quelques lignes qui suivent, je ne ferai pas de comparaison entre le film et le roman graphique de Moore et Lloyd. Le film aussi réussi soit-il souffrirait bien trop de la comparaison tant il ne peut égaler la finesse et le niveau de réflexion induit par la lecture du comics. Soyons tout à fait clair, le film est une vision édulcorée du comics. V devient dans celui-ci une combattant de la liberté plutôt que l'avatar de l'anarchie qu'il est dans la version papier. Le film a un peu tendance à tomber par moment dans une certaine facilité (le fascisme, c'est mal! Sans blague), et même si le discours sur la peur utilisée comme instrument de contrôle n'est pas inintéressant, il sent le monde post-11 septembre à plein nez et l'analogie administration Bush- administration Sutler est par trop évidente sur ce point là en tout cas. Pourtant, peut-on vraiment reprochez au réalisateur et aux "siblings" Wackowski d'essayer d'intégrer dans leur film des préoccupations personnelles? Ce serait une espèce de comble non?

Parlons donc du film! Pour en dire quoi? Que V for Vendetta est un blockbuster intelligent! Un blockbuster qui parle avant tout des idées, et de politique aussi! Le truc qui arrive quand même pas si régulièrement que ça. Un blockbuster qui pousse à la réflexion, à se poser des questions sur son propre gouvernement, qui instille un peu de révolte dans le coeur et l'âme. Malgré le polissage et blanchissage exercé par les studios, on sent encore la petite flamme de l'anarchie briller en son centre. Le cinéma est un art de masse et je trouve personnellement réjouissant que de nombreuses personnes aient pu voir ce film malgré ses simplifications. C'est un blockbuster assez atypique également surtout à cause de son personnage principal. V n'est clairement pas un héros au sens classique du terme. Il est avant tout un être qui cherche à se venger( et l'affiliation voulue plusieurs fois dans le film avec Edmond Dantes le célèbre protagoniste du Comte de Monte-Cristo est une manière d'ancrer le film et le personnage dans ce type de récit) et qui se montre sans scrupule pour arriver à ses fins. V tue, manipule, ment, se montre sans pitié, fait preuve de cruauté psychologique... Tout ça parce que V n'est plus vraiment un humain, il est devenu l'incarnation d'une idée, d'une force, et peut-être que les idées sans l'humanité qui va avec se montrent monstrueuses même quand elles ne veulent que votre bien... Ce n'est donc pas l'image du héros sans peur et sans reproches dont chaque acte est justifié par la violence du régime auquel il s'oppose qui est propagé au long du film, mais d'une personnalité bien plus complexe que ça.

Je n'ai pas envie de me lancer dans une longue analyse politique du truc. D'abord, parceque je vais avoir des tas de types qui vont venir me vendre leur soupe dans les commentaires sur leurs potes Smith, Keynes, Marx, Proudhon et consort, , et que j'ai mieux à foutre pour occuper mes soirées, je vous remercie. Ensuite parce que même si la politique m'a toujours intéressé, je ne suis pas le plus grand expert en la matière, et qu'il y a déjà suffisamment de crétineries proférées dans ce domaine y compris par les "professionnels" (étendez curieusement: les personnes dont le métier est de se faire élire) du domaine pour que j'ajoute ma modeste pierre à cet édifice brinquebalant. Néanmoins, on peut dire sans trop se tromper que V for vendetta n'est définitivement pas un film qui incite au statu-quo à ce niveau et qu'on rangera dans la catégorie des films politiquement incorrect. On est pas encore dans le They Live de Carpenter ou le Network de Lumet, mais enfin, il faudrait être de mauvaise fois pour dire que ce film est un instrument des neo-conservateurs américains (quoi que avec les théories du complot on peut toujours tout justifier) J'ajouterais également que toute ressemblance flagrante avec le premier matrix au niveau des themes ne serait que pure coincidence... A moins que ce soit les même qui aient écrit les deux? (allez, un peu d'autopromotion n'a jamais fait de mal, donc si vous voulez connaitre mon avis sur Matrix: http://www.senscritique.com/film/Matrix/critique/7403697)

En plus, la production est de qualité, simple et sans tape à l'oeil. Il y a des acteurs qui jouent la comédie, et notamment un Hugo Weaving en grande forme. Les scènes d'actions sont prenantes mais n'envahissent pas tout avec leurs grosses pattes de pachydermes dévoyés au tout numérique et aux explosions en tout genre. Certains des dialogues sont très réussis, il y a Stephen Fry qui joue dedans (QI, A Bit of Fry and Laurie, ... suis fan du type, désolé!),... bref, V for Vendetta est un film plus qu’appréciable en tant que tel, et un des blockbuster les plus couillu des années deux mille.

Ce cinq de Novembre s'achève, mais pourquoi pas rêver que dans un an à compter d'aujourd’hui, nous nous trouverons devant les grilles du Parlement, de tous les parlements et ensemble, nous leurs offrirons un 5 Novembre gravé à jamais dans les mémoires !

Publié le 06 novembre 2013