~ Attention Spoil, je m’adresse à ceux qui ont vu le film tout particulièrement ~

Nous avons là du chef d’œuvre. Mais je ne lui mettrai pas 10, car il est paradoxalement décevant. Je m’explique, le thème du comics : le contrôle des foules, des pensées. Donc on s’attend à la même chose dans le film, et il donne en partie raison à cette hypothèse. Mais il le fait grossièrement, personne ne croit à la révolution, l’anarchie est à peine évoquée, l’explosion semble inévitable (mais on s’en moque), le V omniprésent fait sourire, sans plus, et on sombre dans une histoire d’amour entre deux protagonistes principaux.
Oui mais ça marche. On aime l’assassin, et on regrette sa mort. Pas parce qu’il est cool avec ses couteaux vazi (c'est pourtant vrai qu’il a du style, bien qu'il frime un peu trop pour qu'on prenne ça au sérieux), mais parce que sa personnalité a été développée durant le film, alors qu’on nous rabâchait qu’on ne savait rien de lui, et qu’on hurlait ses théories via l’énervement du régime totalitaire et l’interrogation des personnages importants. Les dialogues ne sont pas là pour embrouiller, on peut d’ailleurs remarquer leur richesse (que ce soit structurellement, ou par le choix de façons de parler propres à chaque type de personne) , mais pour renseigner. C’est là que c’est magnifiquement bien écrit. Le suspens reste, en dehors de l’histoire, et seul les personnages comptent, avec leur mystère présent comme il faut, mais éclairé par tous les aspects de leur personnalité. V brisé de l’intérieur qui n’aspirait qu’à mourir, mais renaissant en organisant sa mort, le dictateur essayant de contrôler son conseil de spécialistes de la même manière qu’il contrôle les foules (son caractère éphémère et brut de décoffrage est ainsi directement imbriqué dans sa personnalité), le doute du policier qui peut sembler étrangement lent à venir, mais nuancé par la présence de son collègue sans lequel il n’aurait peut être jamais abouti sur une recherche de la vérité concernant le drame bactériologique → tout cela amène à se questionner, et souligne à quel point le film est bien conçu. La scène de la petite, puis grande fille qui regarde cachée sous un lit les résistants se faire arrêter, les masques dévoilant des personnes mortes lors de la manifestation silencieuse, tout évoque le passé des personnages, et les lie à l’histoire de manière atemporelle. Je pense que vous voyez ou je veux en venir : on vit le film, et en se désintéressant du scénario à prime abord, on perd tout recul pour mieux embrasser l’intérêt réel de l’œuvre : la psychologie.
Si on analyse les dialogues, et non le scénario de ce film, on peut se rendre compte que la dynamique du film est également un leurre. La scène la plus emblématique dans le genre est sans doute la fameuse « intuition que tout est lié » de notre ami le flic qui va au bout des choses. La musique vous entraîne, on vous spamme de scènes différentes (qui ne se sont pas toutes déjà produites d’ailleurs), celui qui regarde suit l’idée, ou plutôt essaie de s’y conformer...et là : « nah juste une intuition ». Dafuq. Bravo. C’était grossier, mais on a suivi, parce que c’était remarquablement enchaîné et fondu dans le reste. Et le film vous coupe dans l’élan, pour vous reprendre dans l’intrigue directement en fondu enchaîné. Ce ne sont pas les habitants qui sont manipulés, non le dictateur est grossier. C’est vous.
D’un point de vue technique, c’est assez bien filmé, je ne détaillerai pas tout cela (d’autres l’ont fait avant moi), mais insisterai sur le fait que certaines scènes qui peuvent sembler malvenues visuellement (le gilet pare-balle de la mort qui tue, le conditionnement amical dans la fausse prison), marquent toujours une rupture, un changement dans l’attitude des protagonistes. C’est pourquoi elles attirent l’œil, elles dérangent. On ne veut pas que v meure, alors on se dit qu’il se la pète en se prenant toutes ces balles...mais il agonise, ce qui est logique. On sent que la prison n’est pas une vraie, et que la folie de v l’a poussé à aller au bout du principe (tu parles d’un syndrome de Stockholm !), mais on refuse de l’accepter parce que c’est désagréable à regarder, alors que c’est monstrueusement cohérent psychologiquement parlant.



Je n’en dirai pas plus, je vous recommande ce film.
LeRoiChaton
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le 9 janv. 2015

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LeRoiChaton

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