5 novembre 1605, Chambre des Communes, Londres. Un homme est arrêté lors d’une perquisition des lieux, tenant sur lui une lanterne ; il est posté devant 36 barils de poudre destinés à provoquer ce qui va être appelé la « Conspiration des Poudres » : un attentat déjoué contre l’une des chambres du Parlement Britannique au cours de la cérémonie d’ouverture de celui-ci, destiné à tuer le roi Jacques 1er. Cet homme, aussitôt arrêté puis jugé à la peine capitale, est depuis célébré tous les 5 novembre par son pays natal, et devenu un symbole de l’anarchisme et de la rébellion face au pouvoir s’appelle Guy Fawkes.


1949 marque la parution d’un des romans les plus renommés du XXème siècle : œuvre majeure de George Orwell, 1984 décrit une Grande-Bretagne devenue un régime totalitaire à l’issue d’une guerre nucléaire entre Est et Ouest, dans laquelle la liberté d’expression n’est plus, l’histoire est remaniée afin d’être conforme à l’idéologie dominante, une langue officielle est instaurée ; tous sentiments procurant plaisir et liberté sont prohibés, et les pensées des citoyens sont minutieusement observées. Roman essentiel dans l’histoire de la science-fiction et de la littérature en général, sommet du genre « dystopie », 1984 devient un roman culte et vénéré dans le monde entier et rend populaire l’expression « Big Brother is watching you » signifiant toute institution faisant obstacle aux libertés fondamentales et à la vie privée des individus.
Le livre a été depuis adapté de nombreuses fois au cinéma ou à la télévision, entre autres en… 1984 par Michael Radford, avec John Hurt dans le rôle de Winston Smith, employé du Ministère de la Vérité ; il inspirera également d’autres longs-métrages, tels THX 1138, premier film de George Lucas (https://www.youtube.com/watch?v=eHgqfVQWv7s), le mythique Brazil de Terry Gilliam (https://www.youtube.com/watch?v=ZKPFC8DA9₈) ; son univers donnera naissance à un album-concept de David Bowie, « Diamond Dogs » (https://www.youtube.com/watch?v=Vy-rvsHsi1o), inspirera Radiohead pour leur album phare « OK Computer » et l’écrivain Haruki Murakami (la saga 1Q84). Son nom donnera même à un célèbre spot TV de Ridley Scott pour le lancement du premier Macintosh d’Apple, une soixantaine de secondes qui marqueront au fer rouge l’univers de la publicité et du marketing (https://www.youtube.com/watch?v=2zfqw8nhUwA).


Ces deux symboles aujourd’hui inscrits dans l’inconscient collectif sont à la base de la première œuvre majeure d’un génie de la bande dessinée, Alan Moore, qui va donner au comic-book ses lettres de noblesse, repoussant plus loin les standards en matière de narration et de mise en page. Avant sa grande saga de super-héros vieillissants et nostalgiques et sa grande fresque de l’Angleterre Victorienne via les agissements du célèbre Jack l’Eventreur, Moore fait montre de ses idées anarchistes et jette son premier pavé dans la mare ronronnante de la BD américaine avec « V Pour Vendetta », dystopie dans lequel un révolutionnaire portant un masque de Guy Fawkes entre en guerre contre un pouvoir dictatorial ayant fait sombrer la Grande-Bretagne dans le totalitarisme et le fascisme. Lauréat de l’Alph-Art du meilleur album étranger au Festival d’Angoulême, l’oeuvre parue en 6 volumes en 1988-1989 est férocement critique envers le règne Thatcherien, qui a plongé l’Angleterre dans le libéralisme à outrance, à l’image du gouvernement Reagan aux USA.


Les Wachowski, bien connus pour leur trilogie Matrix, décident de produire à l’écran « V For Vendetta », et conçoivent le scénario, ayant l’intelligence d’adapter l’histoire de Moore dans le contexte post-11 Septembre, faisant écho à l’immense conditionnement dont a été victime le peuple américain pour faire avaler des couleuvres et justifier l’intervention militaire en Irak. La réalisation est confiée à James McTeigue, assistant-réalisateur sur le premier volet de la saga Matrix, sorti en 1999. La distribution est dominée par Natalie Portman et Hugo Weaving ; ironie bien venue : John Hurt dans le rôle du Haut Chancelier Adam Sutler, interprétant l’antagoniste prinipal vingt ans après le rôle principal de 1984 !


Co-production américano-britannique, le film est une bonne réussite ; bien qu’Alan Moore, mécontent des précédentes adaptations cinématographiques de son œuvre (FROM HELL, LA LEAGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES) ait fait retiré son nom du générique, l’adaptation de la bande dessinée d’origine est réussie, les Wachowski ayant bien transposé pour un nouveau public et dans un contexte international différent de la fin des années 1980 le matériau de base. L’univers sombre de Moore est peut-être trop aseptisé et l’opposition entre fascisme et totalitarisme, thème principal du comic-book, plutôt survolée dans le long-métrage de McTeigue. Ce dernier est surtout trop timide, bien qu’efficace, dans sa réalisation ; on aurait aimé que le film soit plus imaginatif dans ses cadrages, ses choix de mise en scène, d’autant plus dommage que l’on peut apercevoir à 2-3 moments du film l’influence plus que persistante des Wachowski, tant certaines scènes tranchent radicalement dans leur imagerie par rapport au reste du film.


Néanmoins, malgré ce manque d’ambition visuelle, V FOR VENDETTA est très divertissant, mené tambour battant durant 130 minutes grâce aux Wachowski, parmi les meilleurs conteurs d’histoire actuels. Pour aller plus loin dans la description d’une société totalitaire (peut-être ce qui manque réellement dans l’imagerie du film), votre serviteur ne peut que vous recommander très très très chaudement CHILDREN OF MEN d’Alfonso Cuaron, chef-d’oeuvre du cinéma d’anticipation des années 2000 (https://www.youtube.com/watch?v=2VT2apoX90o), ou encore dans une veine plus expérimentale, PUNISHMENT PARK, grand film méconnu de Peter Watkins sur l’état d’urgence (https://www.youtube.com/watch?v=UMMN2WKtYGU)

HuriotDavid
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le 4 mai 2018

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David Huriot

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