Derrière l'impact culturel et la notoriété...

V Pour Vendetta fait partie du cercle fermé des films, descendus pour la plupart par la presse, forts d'un score pas extraordinaire au box office, mais qui ont acquis avec le temps (et celui ci en peu de temps...) une véritable communauté de fans fidèles et prêts à tout pour défendre leur film.
L'oeuvre est aussi malheureusement connue pour avoir influencé les goûts vestimentaires des fameux "Anonymous", qui revêtent depuis plusieurs années le fameux masque au genre aristocratique porté par V, incarné dans ce film par Hugo Weaving.
Mais derrière cette popularité, cette fan-base, cet impact, le film est il réellement ce qu'il prétend être ?


Eh bien, c'est compliqué...
La première fois que j’ai vu ce film, je devais avoir 11 ans, j’ai eu du mal à rentrer dedans, sur la pochette de mon DVD, était inscrite la phrase suivante :



Le plus intelligent de tous les blockbusters jamais sorti



Le deuxième visionnage a lieu 10 ans plus tard, et, si la note reste la même, le constat est radicalement différent : j’ai été sidéré par la simplicité du film qui pourtant se veut complexe.
Voilà en quoi réside le gros défaut du long métrage signé James McTeigue, la publicité autour de son scénario intelligent.


Le fan parlera de film prophétique, mais le film montre une population londonienne apprivoisée et soumise à un gouvernement qui a pour armes la tromperie et la censure, ce n’est pas prophétique... Le thème était intéressant, mais retranscrire ce thème au sein d'une banale histoire de vengeance sans poser les bases d'une dystopie solide, c'est un mauvais traitement de l'idée véhiculée ici. Le film n'est, de par sa banalité, aucunement prophétique, ou peut être l’aurait-il été quelques décennies auparavant, lorsque le thème était à la mode et original (lors de la sortie du livre choc d'Orwell par exemple, qui lui, pour le coup, est réellement prophétique, ou même lors de la sortie de la bande dessinée de laquelle est adapté le film !), et touchait la population qui ressentait un vif malaise à cette idée de dystopie où toutes les notions de liberté et tout simplement le libre arbitre sont des valeurs absentes d'un tel système. Et non en 2006 où le concept est déjà exploré depuis plusieurs décennies et aussi carrément officialisé non seulement dans les formes d'art et médias que sont le grand écran et la télévision, mais aussi dans la réalité, au sein de pays, développés ou non, évolués ou non, dont le système est basé sur cette surveillance et cette volonté de contrôler la population et que tout le monde s'en tamponne royalement ou alors se voile la face...


Le fan parlera aussi de leçon philosophique, mais le film se contente simplement d’enfoncer les portes ouvertes et le fait très mal, car le propos vu ci-dessus du film est très flou... Ou alors le film n’a pas trouvé son public adéquat et a loupé le coche pour diffuser son véritable message, quel est t il d'ailleurs... Car là où la grande majorité des gens ont déclamé haut et fort avec des étoiles dans les yeux «quel scénario grandiose !» et se sont extasiés devant la soit-disant complexité et la soit-disant richesse d’écriture, une minuscule minorité, avait au contraire, saisi un message de révolte contre l’oppression et de leçon philosophique, alors ce que vaut réellement le film pour son public réside simplement dans sa forme et non dans son fond, car c'est sur sa forme qu'il a été intégralement jugé.
Forme bien trop conventionnelle et bien trop banale du début jusqu’à la fin d'ailleurs (conclusion cliché et assez médiocre soit dit en passant avec le retour soudain des visages familiers du film derrière les masques de V) pour que le film soit qualifié de chef d’œuvre ou même de très bon film. Visuellement, rien n'est marquant, rien ne nous fait ressentir la tyrannie et l'oppression qui pourtant vont de pair avec une œuvre dystopienne quelle qu'elle soit. On se rappellera Brazil de Terry Gilliam ou plus récemment Les Fils de l'Homme ou encore Bienvenue à Gattaca qui bénéficiaient d'une atmosphère léchée en accord avec le monde dystopique (ou l'anti-utopie) décrite dans le scénario, le genre d'atmosphère renseignant le spectateur sur le contexte, l'époque décrits et le mettant dans une posture telle qu'il arrive à percevoir que vivre dans ce monde là avec un tel régime n'est pas une partie de plaisir, alors que dans le long-métrage de James McTeigue, on a juste l'impression d'être dans le "beau Londres", en 2006, sous un régime politique stable, rien ne nous renseigne sur une véritable dystopie qui possède des bases solides.


Le film a aussi le manque de finesse impropre de confondre anarchie et chaos, sans exprimer le fossé monumental entre ces deux notions pour donner un sens à son propos. Un peu comme ce mec un peu bourré aux cheveux verts que vous croisez en soirée qui croit que l’anarchie est une idéologie issue du mouvement punk dont le principe est d’envoyer des cailloux sur les voitures de police ou de gens friqués tout en criant «No Future !!!».
D'ailleurs derrière cette mauvaise interprétation d'une idéologie, ce qui tue réellement le pouvoir du film en plus de cette notoriété mal placée, c'est cette volonté de faire passer l'histoire de V avant l'intrigue qui parle de révolution contre la tyrannie, le plaidoyer en faveur de la justice devient une simple histoire de vengeance personnelle, et c'est bien dommage.


Donc, où est 'l'intelligence" dans ce film qui ressemble à un mélange assez indigeste entre le principe de 1984 et le personnage de Zorro (les monologues shakespeariens en plus, il me faut tout de même l’avouer), avec une forme indéniablement commune et quelconque qui ne confine pas du tout au chef d’oeuvre (ce n'est pas comme si le film avait été réalisé par un Nolan), et doté d’un fond tout aussi insipide et qui, fort d’un message qui aurait pu être intéressant s’il aurait été traité différemment, tombe dans une vague caricature de lui-même à double intrigue où la première, la vengeance, s'impose face à la seconde (pourtant bien plus intéressante que la première), celle parlant de révolution et de justice contre un système tyrannique et dictatorial où la liberté n'existe pas ?


Presque jamais un film n’avait été aussi peu représentatif de sa notoriété, étant donné que chaque fan inconditionnel de ce film faisait le panégyrique de «l’excellent, l'intelligent et l’inoubliable V Pour Vendetta», le visionnage de cette oeuvre qui se révèle au final tout bonnement moyenne et banale a pour moi tout simplement été une déception sur quasi tous les points hormis le casting correct qui s'en sort plutôt bien.


Ajout du 15/11/2019 : Après avoir lu le sublime comics signé Alan Moore et David Lloyd dont le film est tiré, il n'y a plus de doutes quant à la banalité et la qualité vraiment moyenne de ce long métrage, et vous, fans qui avaient hissé ce film sur un piédestal, je vous conseille de vous procurer la BD d'origine, qui pour le coup, est une vraie claque, plus cinématographique que le film et qui possède, grâce au dessin singulier de Lloyd, une véritable atmosphère de dystopie.

Tom-Bombadil
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le 29 janv. 2018

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