V pour Vendetta est un projet d'adaptation du bouquin du même nom scénarisé par Alan Moore. Ce sont les papas de Matrix qui ont décidé d'en faire le film. A la base, ils souhaitaient créer une trilogie, mais les producteurs n'étant pas très chauds ne leur permirent de faire qu'un seul long métrage. Cela étant, les frangins Wachowski ont dû réécrire le screenplay de façon à condenser un maximum d'idées du bouquin, quitte à prendre un chemin différent pour arriver à la même conclusion. Personnellement je ne pense de toutes façons pas que le bouquin soit fidèlement adaptable pour le cinéma. Les séquences sont pensées, par le découpage, par la rythmique, par la narration, pour le médium de la bande dessinée; en faire une retranscription exacte dans un autre médium n'aurait pas de sens, la grammaire étant différente, les producteurs ont donc bien fait de pousser à la réappropriation du sujet.

En soi, le film n'est pas mauvais. Il s'agit d'un blockbuster qui se veut intelligent par un message plus subtil que 'prenez les armes', mais ne s'en éloigne pas trop non plus (il ne faudrait pas trop perturber le public large visé).

Malheureusement, même si une réappropriation de l'oeuvre originale semble juste, il aurait tout de même fallu allonger ce film ci, voire en faire deux au lieu d'un seul. Car tout va très vite dans la première heure. Beaucoup d'idées sont abordées, mais toutes sont traîtées dans la hâte. Ainsi certains conflits peuvent paraître vides de sens, certaines résolutions trop expéditives et il devient difficile de se prendre d'empathie pour les personnages. En plus, par ces choix, des incohérences, heureusement mineures, font surface ci et là dans le film, et les raccourcis empruntés ne permettent au spectateur de comprendre qu'en surface la psychologie des personnages.

Par rapport à cet état de fait, on peut dire qu'il est utile d'avoir lu la bande dessinée avant, au risque d'être déçu, dans la simple précaution de mieux cerner l'histoire, d'avoir le complément d'informations manquantes. Par exemple, la description de ce futur fictif est netteemnt plus précise et glauque dans le roman graphique que dans le film. Ca pourrait paraître un détail, mais ça renforce les motivations des personnages.

La mise en scène, elle même subit les effets de cette narration speedée: le réalisateur ne prend que très rarement le temps de placer l'ambiance, se contentant de champs et de contre champs la plupart du temps, quelques rares travelling viennent enrichir la réalisation. Le combat du début est assez mal mis en scène tourné uniquement en gros plan, difficile de savoir ce qui est tranché. Le dernier combat , par contre, semble avoir été une obligation dans le cahier de charge afin d'attirer le public (je me souviens que la bande annonce mettait le lancé de couteaux particulièrement en valeur, rappelant ainsi que les producteurs ont été responsables de Matrix quelques années auparavant); cette scène d'action, reconnaissons le, est assez stupide et peu crédible, mais dans le cadre d'un film d'action ça marche. J'ai donc gobé cette scène.

Maintenant pour comparer à la bande dessinée, oui il y a de quoi être déçu. La bande dessinée va tellement plus loin à tous les niveaux. V, premièrement n'est pas aussi avide de sang que dans le film. Il ne tue que rarement les gardes, et même, il préfère la torture psychologique à la souffrance physique comme châtiment à ses victimes (d'ailleurs l'infirmière est la seule à avoir une mort rapide et indolore, mais mort tout de même, alors que certains survivent mais sont devenus fous; tandis que dans le film tout la mort violente semble être la pire punition qui soit). J'ai aimé la façon dont le film fait évoluer l'inspecteur. C'est nettement plus identifiable pour les specateurs d'aujourd'hui. Mais là aussi la BD va plus loin en le poussant dans une folie provisoire dû à la consommation de drogue et la désillusion d'un monde. Le message de l'espoir est aussi plus complexe, et l'histoire n'est pas terminée lorsqu'on tourne la dernière page: un nouveau monde va naître certes, mais avec autant d'espoir que d'incertitudes.

Bref, adapter V pour Vendetta n'était pas un pari facile. Néanmoins, ça reste réussi grâce aux contraintes des studios qui finalement ont dû forcer les deux scénaristes à changer l'histoire à adapter. Dommage cependant qu'ils n'aient pas choisi d'épurer un peu plus l'histoire afin d'éviter le surplus d'information; la mise en scène et le rythme du film s'en serait mieux portés. Il s'agit donc d'un film distrayant, pas trop con, pas trop intelligent non plus, bref un film pour une petite soirée sympa.
Fatpooper
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le 2 mars 2012

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