Dès qu'on se plonge dans Usual Suspects, évidemment le premier contact est agréable, on se laisse porter par les allers et retours, les retournements, les faux semblants d'une narration par essence subjective. Et puis on repense aux Dix petits nègres et surtout au Meurtre de Roger Ackroyd, sommet littéraire du genre où le lecteur se laissait flouer par le témoignage forcément biaisé du narrateur...Oui mais petit détail important, chez Agatha Christie, il y a un fin mot de l'Histoire, on possède suffisamment de clés et de témoignages multiples et sincères à la fin pour comprendre retrospectivement qui est le meurtrier, où et comment le narrateur a commis des erreurs, laissé des indices qui permettront à l'enquêteur de le compromettre. Dans Usual Suspects, et c'est tout le problème, nous n'avons qu'un son de cloche (le personnage incarné par Kevin Spacey) et donc aucun moyen de démêler le vrai du faux, l'affabulation complète d'éléments plus concrets... La mise en scène est brillante, l'exercice de style fluide et agréable, mais l'ensemble tient plus de la supercherie que du polar ficelé comme un rôti... Une preuve s'il en fallait une ? K. Sauzée n'est-il qu'une ombre, a-t-il existé ? Rien de moins sûr. S'il a existé, y a t-il une part de vérité dans tout ce qu'on nous a donné à voir et entendre depuis le début puisqu'il ne s'agit au fond que d'un témoignage unique et par essence malhonnête ? La réponse est non, tout est flou, immatériel, subjectif et l'on reste avec cette impression que Usual Suspects est une machine qui tourne bien mais à vide...