(Je mettrais ma main à couper que c’est bourré de spoils en dessous)
Il n’est pas chose aisée d’établir une critique de ce film… Une question revient sans cesse: doit-on considérer que son scénario n’a que pour seule utilité de servir son twist final ou que ce dernier n’est que la conclusion brillante et renversante d’un remarquable thriller ?
Attardons-nous en premier lieu sur le reste. Un des gros points forts du film est son casting, maintes fois vanté. De Spacey, magistral, à Byrne, en passant par un Baldwin complètement fêlé, chacun livre une prestation exceptionnelle.
La réalisation de Singer se révèle intéressante, notamment au niveau de sa mise en scène efficace, qui sert parfaitement l’histoire. Même si les flashbacks de Keyzer Söze par exemple sont inutiles et un peu moches...
Quant à l’utilisation de la musique, elle n’est pas toujours très judicieuse, mais cela reste une partition intéressante.
Maintenant son scénario…
Comment ne pas parler de ce twist ? Un des plus grands qu’on ait jamais vu. Car c’est ce twist qui a hissé Usual Suspects au rang des films « cultes ». Le problème, c’est que si l’on ne peut prévoir qu’il invente son récit au fur et à mesure qu’il lit le tableau, on a tendance à suspecter Verbal dès le début et à se douter qu’il est impliqué dans l’histoire.
La première scène (flashback) reste tout le film dans notre esprit, on sait que Keaton est mort et qu’il ne peut pas être Söze, même le premier twist lorsque Kujan tire sa conclusion ne parvient pas réellement à nous convaincre, cela paraît trop gros. Singer veut nous mentir mais nous donne des éléments de vérité pensant peut être que cela entrainera une confusion, en vain. Avec le hongrois à l’hôpital, on s’attend à ce que le visage sur le dessin soit celui de Verbal et au final la vraie surprise n’est que ce tableau, cette vision du tableau par Kuzan qui le parcourt des yeux, cette lente chute de la tasse, et enfin la marque Kobayashi qui apparaît en dessous. L’enfoiré ! Oui on s’est bien fait avoir, mais on s’en doutait un peu. C’est dommage.
L’histoire que raconte Verbal est trop semblable à la vérité pour semer un doute véritable et Singer s’est peut être heurté au dilemme. Mentir un peu ou mentir sur toute l’histoire ? Il aurait peut être dû tenter d’induire le spectateur en erreur pour faire ressortir le premier twist et renforcer l’impact du second, et se passer de cette scène au début…
Un autre problème concerne le mobile du meurtre. « Le coup le plus rusé que le diable ait jamais réussi, ça a été de faire croire à tout le monde qu’ils n’existait pas, et puis d’un coup… il s’envole ». Non, non, non. Sincèrement, on ne concocte pas un plan aussi machiavélique simplement pour faire un plan machiavélique, d’autant plus si le risque est aussi élevé. En faisant ça, qui a-t-il berné ? Un flic ? Deux ? Un commissariat ? En vérité, il a surtout dupé le spectateur, rien que le spectateur. Et c’est là qu’apparaît la limite entre le cinéma et la réalité, ceci n’est qu’un film, nullement réaliste… Une histoire qui ne peut exister sans son public, un scénario qui n’existe que grâce et pour son public, un film en somme.
Si l’on excepte le twist, on obtient un scénario assez désorganisé. La parade d’identification puis les 2 braquages suivants n’ont pas vraiment de lien et d’utilité si ce n’est de réunir nos 5 compagnons. Singer essaie d’ailleurs d’y insuffler un suspens assez inutile et maladroit. Même chose lorsqu’ils montent en haut de la tour pour tuer Kobayashi. Tout du long l’histoire est parsemée de petits « grains de folie » mais qui servent uniquement à faire passer le temps.
L’apparition de Kobayashi se fait trop tardive, et il aurait été préférable qu’elle ait un lien plus direct avec la première partie.
Usual Suspects apparaît alors comme un thriller sympathique au final renversant, mais qui n’a fait que scruter ses ambitions.