Il y a deux indices qui, dévoilés très tôt, permettent de comprendre vers quoi va aller le nouveau film de Jordan Peele. Les fait énoncés en ouverture indiquant l’existence d’une multitude de tunnels, réseaux et autres voies d’accès souterrains abandonnés un peu partout sur le territoire américain. Et la révélation du chapitre 11 du livre de Jérémie qui dit précisément ceci : "C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur : Voici que je fais venir sur eux un malheur auquel ils ne pourront échapper. Ils crieront vers moi, et je ne les écouterai pas". En gros, Us va parler d’un étrange inframonde apportant mort et destruction dans notre chouette monde à nous, et de façon absolument inéluctable, sous la forme de doubles maléfiques vêtus de combinaisons rouges et armés de ciseaux.


Programme prometteur et excitant qui se concentre sur une famille devant faire face, dans un premier temps, à ces fameux doubles maléfiques (comme une sorte de Funny games revisité façon La quatrième dimension). Sauf que cette formidable trame scénaristique se transforme rapidement en simples home invasion et survival tentés par quelques poussées gore et plombés par des jump scare malheureux. Peele paraît plus enclin à proposer un tour de montagnes russes avec pas mal de scènes (et autant d’effets) déjà vues mille fois ailleurs, s’éloignant assurément du grand film d’horreur domestique (et traumatique) qu’il aurait pu faire. La violence sèche et la tension dramatique y sont sans cesse désamorcées par un humour patapouf que l’on pourra, légitimement, prendre comme un aveu de faiblesse, une concession faite à la production pour ne pas rebuter, ne pas trop effrayer le spectateur.


Les explications finales donnent également cette impression-là, plaquées de force pour ne laisser personne à la traîne alors que Peele, pendant toute la durée de son film, distille signes mystérieux et détails troublants sans forcément vouloir les élucider, en donner les principales clés. Car non seulement ces explications sont inutiles (rester dans l’inconnu, se faire son propre film, c’est bien aussi), mais elles ont surtout quelque chose d’ingrat, un rien vaseux. Cette histoire de réappropriation d’identité et de peur de l’autre, cet autre invisible, méprisé et oublié dans une Amérique pourtant prompte à célébrer la tolérance et à lutter contre la pauvreté (c’était la fameuse Hands across America de 1986, point de départ du film), offre toutefois son lot d’éclats et de surprises quand Peele daigne revenir à un ton plus singulier et plus cruel, abandonnant enfin les oripeaux d’un certain tout-venant horrifique.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
6
Écrit par

Créée

le 25 mars 2019

Critique lue 582 fois

12 j'aime

2 commentaires

mymp

Écrit par

Critique lue 582 fois

12
2

D'autres avis sur Us

Us
Theloma
7

L'invasion des profanateurs de villégiature

Avec Us et après Get Out, Jordan Peele tire sa deuxième cartouche estampillée "film d'horreur". Sans vraiment réussir à faire mouche il livre un film esthétiquement réussi, intéressant sur le fond...

le 21 mars 2019

106 j'aime

33

Us
JimBo_Lebowski
4

"Qu'est ce qu'il ferait ce con de Shyamalan ?"

Je reste plus que perplexe, l'impression d'un bel enfumage, Jordan Peele m'avait pourtant fait plutôt bonne impression avec Get Out où, malgré une troisième et dernière partie délaissant ses...

le 26 mars 2019

93 j'aime

4

Us
Sullyv4ռ
9

"Oooh des jumelles ! Alors c'est laquelle qu'est méchante ?"

En allant voir Us je ne savais pas trop à quoi m'attendre, je n'avais vu qu'une fois la bande annonce qui ne dévoile pas grand chose et j'avais décidé qu'il en serait ainsi. Je voulais rester dans le...

le 21 mars 2019

84 j'aime

29

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

177 j'aime

2

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

153 j'aime

13