Inspiré par Dostoïevski, Une femme douce de Sergei Loznitsa n'a rien à voir avec le film éponyme de Robert Bresson mais cela ne constitue pas une surprise. Le film du cinéaste ukrainien est dans la continuité de ses premiers essais, quelque chose de torturé, de violent et aussi d'un peu pesant. Le dernier tiers d'Une femme douce est malheureusement presque grotesque et insupportable défaisant les relativement bonnes sensations que l'on avait jusqu'alors même si avec réserves. La mise en scène de Loznitsa est dense, souvent remarquable (le passage dans le bus) mais les scènes, justement, sont parfois étirées plus que de mesure. La Russie que nous montre le réalisateur a quelque chose d'intemporel avec des personnages excessifs dans leur comportement et prosaïques pour ne pas dire vulgaires qui pourraient vivre aussi bien du temps des tsars que de celui de Poutine. La femme douce, elle, sert de contrepoint, figée dans son obsession et son incompréhension d'une bureaucratie dont le fonctionnement semble aussi arbitraire qu'absurde. Le film dérive quelque peu dans un univers kafkaïen jusqu'à cette dernière partie qui se rapproche davantage d'une farce fellinienne. La comparaison avec le cinéma de Zviaguintsev n'est forcément pas à l'avantage de Loznitsa malgré la puissance d'une réalisation qui se perd bien trop dans une lourdeur d'exposition rédhibitoire.