La rencontre
Que dire du nouveau film de David Robert Mitchell ou plutôt par où commencer ?
Peut être par le fait que mon rapport au film puisse être une analogie à une rencontre sous forme de rêve, vous découvrez la personne, d'abord intrigué par la beauté plastique qui se dégage d'elle, vous apprenez à la connaitre et ce n'est pas seulement l'extérieur qui compte, mais vous avez affaire à une très belle personne à l'intérieur dont vous tombez amoureux au fur et à mesure que l'histoire avance.


Los Angeles, sa vie, son oeuvre


Under the Silver Lake fait partie de ceux là, de ces films qui vous entraînent avec vous pour ne plus vous lâcher même plusieurs semaines, mois ou années et qui en laisseront d'autres de côté, pas prêt pour une rencontre de ce type à ce moment là.
David Robert Mitchell filme d'ailleurs son Los Angeles comme l'être aimé, comme s'il racontait une histoire d'amour vécue, il donne une identifié à cette ville lors de chacun de ses plans. De jour, de nuit, tantôt troublée, heureuse, ensoleillée, taciturne, inquiétante, sordide, épanouie Los Angeles est le personnage principal du film et donne une perspective poétique à l'oeuvre. De la même manière qu'un Scorsese qui s'est approprié New York, Wyler qui sublime Rome, ou Martin McDonagh qui offre ce regard bienveillant sur Bruges; Mitchell qui pourtant passe après les oeuvres cultes de Ridley Scott ou Michael Mann ou plus récemment Chazelle arrive à dégager sa propre perspective et j'ai rarement autant ressenti la présence d'une ville comme ce fut le cas hier soir.


Le film raconte t-il cependant quelque chose ?
On peut tomber sous le charme d'une esthétique mais également savoir raconté une histoire même dans une narration complètement déstructurée, perturbante et qui nécessitera plusieurs visionnages pour y fourmiller différentes analyses. Under the Silver Lake s'approprie les codes du film noir et de la pop culture pour y déceler une enquête qui ne cessera de surprendre. Les fausses pistes, la frustration, chaque réponse obtenue apporte encore plus de questions, un fil rouge qui se tord dans tous les sens, j'ai été pour ma part conquis dès les premières minutes jusqu'à sa résolution comme je les aime.


Cinéma je t'aime très très fort
On a évidemment envie de penser à Lynch et notamment Mulholland Drive, même ville, une certaine folie ambiante qui pèse, qui sera sans doute rabâchée dans moult critiques pour en réduire l'impact, mais j'ai plutôt pensé à un Billy Wilder ou à un Hitchcok qui reviendrait pour réaliser une fresque à notre époque. Pour le premier, qui derrière une forme souvent classique n'a jamais eu peur de déconstruire le mythe Américain et pour le second, pour ses plans hommages à Vertigo ou Rear Window et sa blonde qui vire à l'obsession. Les ombres d'Altman ou des frères Coen et leur Big Lebowski planent également sur le ce récit avec une certaine bienveillance.


**Alors seulement des hommages ?**
Que nenni les enfants, en déplaise à ceux qui reprocheront au récit de n'être qu'un condensé de ce qu'on a vu depuis des années, c'est un gros non. Le film a dores et déjà sa propre identité, sa vie bien dessinée, sa virtuosité sa bande son, bon sang de bois, je n'ai même pas évoqué la bande son qui est d'une justesse absolue tout au long du récit et sera l'une de ses plus grandes forces.


**Et les acteurs Robert ?**
Le choix d’Andrew Garflield pour porter ton film était osé mais très bien calculé, magnifique looser désabusé errant dans les rues sordides de Los Angeles obsédé par une figure Hitchcockienne lui rappelant les posters généreusement affichés dans un appartement qu’il ne peut se payer ! Il parvient à donner un relief et des nuances dans son jeu qui égayent ton script et apporte une touche presque burlesque lors de certains passages . Tes seconds rôles, ses gueules qui apportent ce qu’il faut pour donner vie à tes personnages sur lesquels on pourrait s’attarder davantage encore viennent clôturer un casting sans fausse note.


Le mot de la fin
J'écris quelques mots sur un film que j'ai déjà envie de revoir, sur lequel j'ai envie de prendre des notes, de faire pause face à la beauté de certains de ses plans, d'écouter du REM, de prendre un billet d'avion pour Los Angeles et poursuivre une enquête déjà culte à mes yeux. Under The Silver Lake est le genre de films qui contribue à l'amour infini que je porte au 7ème art. Celui qui ne laissera personne indifférent, celui qui fera naître des débats stériles, utiles, sans fil...
Hypnotisant, étourdissant, troublant, Robert Mitchell offre une perspective différente, réfléchie et mesurée sans tomber dans le piège d'un brouillon recraché avec des références, c'est une prise de risque qui ferait à mon sens l'une des plus belles récompenses à la palme d'or, Cate, fais moi rêver à nouveau...

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