Un tramway nommé désir d'Elia Kazan est l'adaptation d'une célèbre pièce de théâtre du non moins célèbre Tennessee Williams. Tout comme La Chatte sur un toit brûlant du même auteur, c'est une pièce de théâtre très chargée sexuellement, avec beaucoup de non-dits et de sous-entendus, ceci pour contourner la censure qui pour l'époque (durant les années 50) était très active.


Dans Un tramway nommé désir, Blanche (Vivien Leigh) quitte son Mississippi natal pour l'atmosphère moite de la Nouvelle-Orléans. Elle s'installe chez sa sœur Stella (Kim Hunter) et son futur fiancé Stanley (Marlon Brando), un "Polack" joueur de poker qui connaît une chose ou deux sur la vie. C’est l’affrontement entre les délires fantaisistes (et donc mensonges) de Blanche face au réalisme terre à terre de Stanley. Le seul rayon de soleil dans tout ça, c'est Mich (Karl Malden). Lui seul peut aider Blanche à sortir de sa névrose, c'est son seul et unique espoir.


Blanche DuBois me rappelle un peu Margo (Bette Davis) dans All about Eve, mais surtout et encore plus Norma Desmond (Gloria Swanson) dans Sunset Boulevard. Norma et Blanche sont deux personnages qui succombent à leur alter ego. Elles s'enferment dans leurs propres mondes de fantaisie et de demi-vérités.


Tennessee Williams oblige, il va sans dire que l’écriture des dialogues est d'une qualité très supérieure à la moyenne. L’histoire est relativement simple et sans grande surprise, mais l'intérêt est ailleurs ici. Ce n’est pas tant la profondeur du scénario qui importe, mais la complexité des sentiments exprimés ... tous les personnages sont extrêmement ambigus. C'est du côté des personnages (et pas du scénario) qu'il faut s'attendre à des surprises, Blanche en tête qui cache de lourds secrets.


Blanche est bien sûr le centre d’intérêt de toutes et de tous, au plus grand dam de Stanley. C'est un sac de névrose à peine caché derrière une façade de respectabilité qui ne dupe personne. Mitch est aussi un personnage intéressant et à bien des égards ambigu, il apporte un peu d'humour, de gaieté et de tendresse, à un film qui en a bien besoin. Il essaie de se comporter en vrai gentleman, ce qui plait beaucoup à Blanche. Mais son vrai modèle, celui à qui il voudrait ressembler, c'est Stanley, car il est tout ce qu'il n'est pas (viril, autoritaire et charismatique).


Un tramway nommé désir est un film en avance sur son temps, ça parle de folie, de violence envers les femmes et de sexualité, de toutes les sexualités. Pour un film sorti au début des années cinquante, le désir sexuel et la violence envers les femmes sont très graphiques. Le film baigne dans une atmosphère humide et moite, les corps sont en sueur et montrés sous tous les angles. Chose amusante, Elia Kazan joue avec l'éclairage pour tromper nos sens. Tout au long du film et selon l'éclairage, Blanche semble vieillir devant nos yeux. Une réplique de Mitch à la fin du film ôte tous nos doutes, Blanche vieillit bien à vue d'œil au fur et à mesure que son état psychologique se dégrade.


Vivien Leigh est parfaite dans le rôle de blanche. Elle est tout et son contraire dans ce film, vulnérable et égoïste, hautaine et sensible ... belle à un moment donné, puis usée la seconde suivante. Elle a totalement mérité son Oscar et sa prestation a forcément inspiré Cate Blanchett dans Blue Jasmine de Woody Allen, tellement Jasmine ressemble à Blanche. Marlon Brando s’est fait un nom grâce à ce film et en effet, sa performance est électrisante et mémorable. Il a ses grands moment où il fait parler sa fureur et ses petits moments où il ne fait rien d’autre que d’être une présence à l’écran. Peu importe ce qu'il fait, il est indéniable que la caméra l'aime furieusement.


Ensemble, Vivien Leigh et Marlon Brando dominent l’écran et à chaque fois que l’un des deux est présent, il attire forcément le regard. Par conséquent et bien que sa performance soit toujours bonne, Kim Hunter se perd en quelque sorte dans l'arrière plan. Malgré tout, elle obtiendra l'Oscar du meilleur second rôle féminin pour ce film. Karl Madden est génial, mais encore une fois, il n'a qu’un rôle secondaire. Et lui aussi obtiendra l'Oscar du meilleur second rôle (masculin bien sûr), bien mérité pour le coup.


Un tramway nommé désir est un drame de très grande qualité. Ce sont surtout les performances de Marlon Brando et Vivien Leigh, dans les rôles de Stanley et Blanche, qui expliquent la fascination que j'ai pour ce film. Le noir & blanc, la photographie et la musique sur fond jazzy amplifient l’atmosphère miteuse et sordide du film et donc son attrait à mes yeux. Et bien sûr, le choix du décor, un quartier Français claustrophobe et torride de la Nouvelle Orléans, constitue un cadre parfait pou le film.


Comme on pourrait s’y attendre pour un film adapté d’une pièce de théâtre, Un tramway nommé désir est très bavard. En général, je préfère les histoires racontées par l'image plutôt que par des mots, mais ce film fait exception. J'ai beau chercher, je ne trouve aucune excuse pour ne pas avoir encore vu ce film.

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le 7 août 2022

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lessthantod

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