Le schéma semblait se reproduire pour Un raccourci dans le temps. Le même sort que John Carter et Tomorrowland (désolé mais le titre français, À la poursuite de Demain, ce n’est juste pas possible !) attendait cette nouvelle production Disney, à savoir le studio de l’oncle Walt allouant un budget des plus conséquents (100 millions de dollars) pour finalement délaisser le long-métrage à lui-même. Se fichant totalement de son existence et ne le mettant jamais en valeur via une promotion pharaonique comme ont le droit ses autres représentants (films d’animation, Pixar, Marvel, Star Wars, adaptations live de dessins animés, Pirates des Caraïbes…). Une sorte de boycott en mode « on a de l’argent à jeter par la fenêtre » qui empêche ces œuvres d’attirer le public dans les salles alors qu’elles sont intéressantes au possible, bien que très imparfaites. Mais si l’on peut déplorer l’échec commercial non mérité qu’ont connu John Carter et Tomorrowland, celui d’Un raccourci dans le temps n’est pas à contredire. Loin de là ! Il est même heureux de voir que les spectateurs n’aient pas été au rendez-vous de ce qui s’est révélé être une véritable honte à la limite de l’inqualifiable. Ceux qui auront eu le malheur de le voir ne se poseront qu’une seule et unique question : comment un aussi gros studio que Disney, même en mode « je m’en foutiste », peut se permettre de nos jours la sortie en salles d’une telle abomination cinématographique ?


Les plus pointilleux auraient pu y voir une sorte de réponse de la part de la production à Warner/DC Comics et son Wonder Woman en donnant à une femme les rênes d’un blockbuster assez coûteux. Une femme afro-américaine qui plus est (Ava DuVernay, réalisatrice de Selma) ! Si certains y auront vu un simple détail, d’autres en attendaient sans doute du renouveau dans le paysage hollywoodien. Un divertissement avec une toute autre vision, qui plus est chapeauté par une figure féminine emblématique du studio, à savoir la scénariste Jennifer Lee (Les Mondes de Ralph, La Reine des Neiges, Zootopie). Malgré ses airs de teen movie archi balisé qui envoie ses jeunes personnages dans un univers original qui les dépasse, Un raccourci dans le temps pouvait très bien tirer son épingle du jeu en proposant ce que la majorité des produits commerciaux omettent d’avoir : une âme, de la personnalité. Ou, dans le pire des cas, être un énième divertissement qui fait bien le boulot sans pour toutefois marquer les esprits. Se contentant de son postulat et du savoir-faire de son équipe pour justifier que l’on paye notre ticket de cinéma. Mais ô rage, ô désespoir ! le pire en question dépasse sans aucune pudeur bien des frontières, s’enfonçant dans l’inconcevable de bas étage.


Dès les premières minutes – que dis-je ? – les premières secondes du long-métrage, tous les défauts inimaginables sautent aux yeux, telle une orgie de mauvais goût : des comédiens à la ramasse (les enfants sont réputés d’être difficiles à diriger, mais là, ça dépasse l’entendement !), une niaiserie que l’on peut qualifier d’ultime (jamais un film n’avait atteint un tel niveau de « bisounourserie » !), un montage sans aucun sens ni logique qui fait encore plus charcuté que celui de Justice League (pour dire à quel point le résultat est immonde)… Le film vient à peine de commencer que vous aurez déjà envie de tout arrêter pour vous tourner vers quelque chose de plus digeste. Mais si vous aviez eu le courage de faire fi de tout cela, vous n’étiez malheureusement pas au bout de vos surprises. Alors que le montage ne cesse d’empirer, que les acteurs en totale roue libre parasitent les plans et que le tout sue le rose bonbon en abondance en se prenant excessivement au sérieux, vient désormais s’inscruster à la fête un scénario encore à l’état d’ébauche. Un script qui essaye de présenter son univers physico-mathématico-fantastique sans parvenir à le rendre intéressant, ce dernier nous étant jeté à la figure l’air de rien et n’étant à aucun moment crédible pour un sou. Un script qui s’enfonce encore plus dans le niaiseux alors que nous avions déjà atteint des sommets, prônant l’amour comme solution à tout alors que rien du métrage ne se montre attachant. Un constat qui s’adresse avant toute chose aux personnages, vides comme ce n’est pas permis, et qui sont exploités à l’image tels de vulgaires détritus que l’on jette sans ménagement, privés de toute présentation, charisme et envergure (ils apparaissent/disparaissent à l’écran véritablement comme ça, d’un claquement de doigt). Un script qui se perd dans son aspect beaucoup trop gentillet qu’il en minimise à l’excès sa menace principale, la reléguant pour le coup au second plan comme si elle était quasi inexistante. Privant ainsi l’intrigue de tout enjeu et, pour le coup, d’intérêt. Ajoutez à cela une mise en scène sous lexomil puissance mille, une production design propice à la cécité (ces costumes et maquillages… même dans Hunger Games, ça passait !) et des effets spéciaux d’une qualité douteuse, et vous obtenez un « truc pas fini ». Un film qui semble toujours en chantier, sur lequel aucun travail, aucune maîtrise, n’a été effectué. Et qui dû subir des coupes gargantuesques de la part du studio, l’empêchant de ressembler à quoique ce soit de regardable.


Ne restera que les musiques sympathiques de Ramin Djawadi (Game of Thrones, Pacific Rim, Warcraft, Westworld) et une séquence de « tempête » pour nous sortir de la léthargie ou bien du désespoir, au choix ! Véritable torture pour les yeux et l’intellect, Un raccourci dans le temps mérite en tout point sa débandade commerciale et critique. Il est même étrange que l’on puisse parler de résultats, tant le film n’aurait jamais dû être distribué en salles. Avec une once de temps, de travail et de maîtrise, Ava DuVernay et Disney pouvaient encore sauver les meubles en livrant un produit oubliable mais regardable. Là, ce n’est juste pas possible ! Pas possible d’avoir quelque chose d’aussi lamentable à ce niveau ! Pas possible d’être aussi stupéfait, pour ne pas dire consterné, d’avoir droit à ce bibelot sans valeur, fracassé de toute part ! Non vraiment, ce n’est clairement pas possible qu’aujourd’hui, on ait affaire à un titre aussi mauvais et ce à tous les points de vue !


Critique sur le site https://lecinedeseb.blogspot.com/2019/01/rattrapage-2018-un-raccourci-dans-le.html

Créée

le 19 avr. 2018

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