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Sorti en 1982, Sballato, Gasato, Completamente Fuso ou Un Pari de Dingues est l'un des derniers film de Steno , un réalisateur et scénariste italien spécialisé dans la comédie mais pas seulement puisqu'on lui doit aussi les scénarios de films tels que Les Week-ends de Néron ou Société Anonyme Anti Crime. Avec Un Pari de Dingues le réalisateur nous propose une comédie à peine polissonne même si la magnifique Edwige Fenech nous dévoile épisodiquement ses charmes et que le sujet s'y prêtait à merveille. A la fois légère et lourde comme beaucoup de comédie transalpine de l'époque, le film brasse aussi des sujets et des thématiques qui restent d'une brûlante actualité avec un regard et un discours aussi radical que nuancé.


Ce pari de dingues c'est donc celui que va faire la jolie Patrizia Reda (Edwige Fenech) cantonnée aux rubriques subalternes du journal dans lequel elle travaille tout en subissant les comportements et remarques sexistes de ses collègues. La jeune journaliste va donc lancer au rédacteur en chef le défi de rédiger en une semaine un article digne de faire la une du journal, si elle échoue elle acceptera de coucher avec lui. La jeune femme se lance alors sur une grande enquête sociologique sur les fantasmes et rêves érotiques du mâle italien.


Sous ces allures de grosse comédie pas toujours bien fine, Un Pari de Dingues parle bel et bien d'émancipation féminine, de harcèlement sexuel et du poids ancestral d'un certain machisme latin. Cette journaliste divorcée, lassée de rester en bas de l'échelle professionnelle, de recevoir des mains aux cul et d'entendre des propos salaces jusque sur son répondeur va tout simplement essayer de prouver qu'elle n'est pas qu'un joli cul, un objet de désir mais aussi un esprit brillant. Le paradoxe restant bien sûr qu'elle va user et monnayer ses charmes afin de faire ce pari et que son enquête ne va cesser de la confronter aux désirs parfois salaces et insistants des hommes qu'elle va rencontrer. Mais le film qui aurait vite pu sombrer dans une démonstration idéologique pachydermique va s'avérer bien plus nuancé que bons nombres de films au propos prétendument intelligents mais souvent larvés d'un manichéisme bien plus agaçant. Ce patron par exemple évite le cliché du sale type aussi moche à l'intérieur qu'à l'extérieur cherchant à mettre des obstacles à l'accomplissement du défi de cette journaliste afin de pouvoir coucher avec elle. Le type s'avère même plutôt fair-play et charmant en aidant la jeune femme à écrire son article et en souhaitant même dîner avec elle car il refuse l'éventualité de coucher de manière mécanique avec une personne qu'il ne connaît pas vraiment. Cet homme mûr et divorcée est lui même un petit peu victime car constamment la proie de ses trois filles véritables sangsues qui n'en veulent qu'à son argent. Le discours très féministe reste tout de même sans appel comme lors d'un échange entre cette journaliste et son patron auquel elle déclare : " L'Italienne moyenne en a assez de n'être jugée que sur son apparence physique – Sa féminité n'est pas un obstacle à son intelligence et elle doit être traitée comme une personne et non une poupée gonflable ". D'ailleurs la belle et rebelle Patrizia distribue régulièrement des baffes aux malotrus, au médecin peloteur et aux types trop insistants durant tout le film tout en se comportant parfois de manière assez exécrable avec certains hommes. Dans Un Pari de Dingues se dessine aussi une sorte de plaidoirie maladroite à la médiocrité des hommes (principalement italiens) avec ce long discours : " L'homme italien est pétris de contradictions – C'est un lâche mais aussi un héros – Il est odieux mais aussi sympathique – Il est voleur mais il est honnête – L'italien moyen raconte à tout le monde que son meilleur ami est cocu – Puis c'est son meilleur ami qui le fait cocu – Pour l'italien moyen toutes les femmes sont des salopes sauf sa mère, sa femme et ses filles – Il a même des doutes sur ses sœurs – Oui c'est souvent une crapule mais il possède une certaine honnêteté."  Un constat loin d'être reluisant mais tout de même nuancé ce qui est toujours mieux qu'une condamnation globale et unanime.


Mais attention si le film est loin de ne raconter que des conneries, il en montre fort heureusement beaucoup avec un registre de comédie que je qualifierais de plutôt efficace. Je retiendrais déjà la performance de Diego Abatantuono dans le rôle d'un impayable chauffeur de taxi, ce comédien de second plan que je ne connaissais pas s'avère être d'un tempérament comique aussi insupportable qu'imparable. Véritable moulin à parole à la diction et l'accent étrange (j'ai même cru qu'il était d'origine portugaise) le comédien possède un fort charisme comique, une sorte de folie interne et des mimiques qui personnellement m’auront souvent fait penser à Jack Black. Ce mec est juste insupportablement drôle et il parvient à tout faire passer crème jusqu'à quelques blagues limites (surtout pour notre époque un peu coincée) comme lorsqu'il interpelle un groupe de touristes japonnais en leur disant que son taxi est jaune à force d'écraser des gens comme eux. Le film comporte d'autres gags très cons et moments très amusant comme avec ce gardien de zoo lassé qu'on lui prête des liaisons zoophiles (je vous laisse découvrir sa femme) ou cette séquence de cauchemar qui voit Edwige Fenech de moins en moins habillée passée de véhicules en véhicules et de fantasmes en fantasmes avec des hommes qui voient dans l'apparition de la jolie brune la matérialisation soudaine de leurs désirs intimes. Mais ma scène préférée reste celle de l'interview d'un réalisateur de film d'horreur prénommé Brian De Pino (un tâcle à Brian de Palma???) qui tourne soudainement à une séquence référentielle entre giallo et horreur avec moult hommages plus ou moins visibles et pertinents à Fulci, Argento, Pete Walker ou Shining. Et franchement voir Edwige Fenech dans une séquence de giallo en plein cœur d'une comédie, ça fait vraiment plaisir.


Un Pari de Dingues est une petite chouette comédie italienne, c'est certes très con mais c'est assez drôle, il y-a quelques belles petites trouvailles et le discours est revendicatif sans jamais être assommant . Et puis y-a Edwige Fenech et ça suffirait presque.

freddyK
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le 15 mai 2023

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Freddy K

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