C'est comme ça, la puce et moi...

Ancien élève des Gobelins, Eric Bergeron dit Bibo s'est imposé comme un animateur français phare des 80's-90's, travaillant sur les Astérix de la Gaumont (1985-89), puis sur des films Amblimation, Disney ou Fox Animation. Mais c'est à Dreamworks qu'il a fait ses plus célèbres faits d'armes en étant le premier réalisateur français du studio d'animation (bien avant Pierre Perifel sur Les Bad Guys). Il a ainsi repris en main la production chaotique de La route d'Eldorado (2000), avant de s'occuper du terrible Gang de requins (2004).

Une fois de retour en France, il reprend en main son studio Bibo Films et le projet Un monstre à Paris qu'il envisage depuis 1993. Le scénario, l'univers et les chansons sont définis sur plusieurs années en compagnie de Stéphane Kazandijan (oui, le réalisateur de Sexy Boys et Bad buzz), Matthieu Chedid et Vanessa Paradis notamment. Néanmoins, le projet patine plus d'une fois, au point de ne trouver son financement définitif qu'en 2009 avec Europacorp à la production. Les voix anglaises ont été enregistré avant de produire l'animation à Montreuil, avec notamment Sean Lennon, Adam Goldberg, Danny Huston et Madeline Zima ; le casting français donnant de la voix une fois le film fini.

Un monstre à Paris a coûté cher (28 millions d'euros) et a eu droit à une forte concurrence à sa sortie (The Artist, Polisse, Les aventures de Tintin et Intouchables dans des genres différents). Il a toutefois trouvé son public en France (1,7 million d'entrées) et a été bien accueilli ici ou ailleurs.

Un monstre à Paris est une sacrée réussite, parvenant à bien retranscrire le Paris de l'époque, celle de la crue de la Seine en 1910. L'ironie veut qu'Un monstre à Paris comme Jack et la mécanique du cœur (2013), deux productions animés d'Europacorp, évoquent tous les deux les débuts du cinéma. Si le film de Mathias Malzieu et Stéphane Berla évoquait directement Georges Méliès, Un monstre à Paris met notamment en scène un jeune cinéaste passant ses propres films dans le cinéma où il travaille. C'est en filmant un jardin botanique qu'il va participer involontairement à une expérience qui tourne mal.

Ainsi, la puce d'un singe va devenir grande et semer le trouble malgré elle, à l'image du Roi Kong. A la différence que Francoeur est à taille humaine et peut se camoufler par des vêtements. Un attirail qui ressemble à celui du Fantôme de l'opéra comme à ses variations. Comme dans Phantom of the Paradise (Brian de Palma, 1974), Francoeur s'exprime avant tout en chanson et c'est là où M intervient. En sachant que le personnage devait initialement être un vampire, avant que l'équipe ne se ravise. La puce amène son lot de scènes spectaculaires comme le long climax et la scène en vue subjective ; comme des moments plus mélancoliques lorsqu'elle chante sous la pluie.

Raoul a un look proche de celui de Tulio dans La route d'Eldorado et s'avère aussi dragueur que lui ; là où Emile se rapproche davantage de Miguel par son approche plus romantique. Néanmoins, le duo s'avère moins foufou et plus sérieux. Le premier va se chamailler sans cesse avec la chanteuse Lucille car il s'est senti rejeté par elle ; et invente des choses sans retour positif du public. Le second est amoureux d'une jeune femme, mais ne parvient pas à le lui dire ; avant d'avoir un sursaut de courage sur la fin. Les deux personnages ont un gimmick qui leur est propre. L'un se voit reprocher d'être un gars sans le sou, car il fait passer sa veste pour de la fourrure, alors qu'il s'agit de foin. Le second va repousser sans cesse sa demande à sa collègue, l'empêchement comme la timidité étant toujours de mise.

Le défaut principal du film reste son méchant, tantôt très distant par rapport au reste de l'intrigue, tantôt omniprésent (le final lui donne la part belle). Il n'est pas aidé non plus par François Cluzet qui part rarement dans les excès (ce qui est ironique venant de lui), alors que le personnage en avait certainement bien besoin. Pour le reste, le film se savoure toujours avec plaisir et son animation tient bien le choc. Un peu oublié depuis sa sortie, Un monstre à Paris reste néanmoins en tête à cause de la chanson entêtante La Seine.

En revanche, il a refait parler de lui ces dernières années pour une affaire judiciaire. En effet, Eric Bergeron a été mis en examen pour viol en 2020 pour des faits survenus durant la production du film. La victime (qui avait participé au film et était visiblement une de ses anciennes élèves aux Gobelins) s'est donnée la mort en 2017 ; et une enquête a eu lieu à partir de l'année suivante suite au signalement d'une association. Aux dernières nouvelles, il conteste les faits et est sous contrôle judiciaire (*).

* https://www.leparisien.fr/faits-divers/eric-bergeron-realisateur-d-un-monstre-a-paris-mis-en-examen-pour-viol-14-01-2020-8235990.php