Une rentrée des classes, une mère alcoolique avec deux boulots, un prof sympa et réformiste : okay, c'est un film social à la californienne qui nous dit "regardez nos pauvres, ils existent, si si" et explore les coulisses de Las Vegas en se repaissant des restes cinématographiques de l'utopie économique. C'est du moins la première impression, et elle reste longtemps, soutenue par une réalisatrice qui hurle dans le sous-texte : "oui, je sais que c'est un film naïf, foutez-moi la paix avec ça".
Cependant le film va bouger, et même beaucoup. Le scénario éclot avec une lenteur étonnante, mais ce n'est ni plus ni moins ce qui est nécessaire pour révéler des personnages dynamiques se nourrissant de leur interactions les uns avec les autres. Leder réussit à laisser le film s'écrire tout seul, ou du moins à en donner l'illusion puisqu'il s'agit en fait de l'adaptation d'un roman. Les transitions sont d'une douceur incomparable : les remises en question d'un professeur, les révélations d'un jeune ado, les sacrifices d'une mère, tout est lié mais rien ne trahit que l'écriture pût avoir été forcée ou orientée.
Les coutures ne sont pas totalement invisibles, mais c'est un détail qu'on oublie à mesure que l'histoire se bonifie et s'affirme sur le long terme. Faisant de l'adulte et de l'enfant des égaux, Leder est récompensée d'avoir souligné tout son film d'une espèce de faux pessimisme : le monde est dégueulasse, mais il faut avancer - une philosophie rabâchée avant elle, à la différence qu'elle l'énonce avec le même dynamisme qui, sans apitoiement, définit son œuvre.
Trouvant ici l'un de ses rôles les plus sensibles, Spacey participe à une œuvre qui flotte au-dessus du septième art, intouchable, réticente aux lieux communs, qui assume ses irrégularités, ses "rides", non comme une fatalité mais comme une beauté nouvelle. Un film plein d'émotions qui s'adresse aux plus blasés.
→ Quantième Art