
Luis Bunuel a beau être né en Espagne, une bonne partie de sa filmographie est française et son premier court-métrage en est bien la preuve. Assistant-réalisateur sur deux films de Jean Epstein (Mauprat et La chute de la maison Usher en 1926 et 1928), le futur réalisateur de Belle de jour se lance avec Salvador Dali dans un court lié à leurs rêves. Le premier avait rêvé d'un nuage coupant la lune, puis d'un œil fendu par une lame de rasoir. Le second avait imaginé des fourmis sortant d'une main. Ni une, ni deux, le duo avait trouvé deux des plans les plus iconiques du film, mais aussi de leur époque.
Si ce genre de plans sont courants de nos jours, notamment depuis l'explosion du gore depuis les 50's, en revanche tout cela était nouveau en 1929 et force est de constater que cela fonctionne toujours aujourd'hui. Que ce soit les effets-spéciaux qui tiennent bien la route ou l'impact graphique des plans. Il en est de même pour le dernier plan du film, sinistre au possible, ou ce personnage dégommé par une voiture devant un Pierre Batcheff tout sourire. On peut en dire autant de tout ce passage où Simone Mareuil est pourchassée par Batcheff, renvoyant directement au thriller avec la victime et l'amant revanchard / tueur.
Mais contre-toute-attente, Un chien andalou n'est pas un film narratif. Il est ponctué de scénettes qui semblent faire sens seules, mais pas forcément pour former un tout cohérent. Mais est-ce un problème ? Non car Un chien andalou fascine durant plus de vingt minutes. L'influence de Dali explose d'ailleurs à coups de pianos remplis à ras bord d'allusions à son travail (les ânes morts, la religion, la bourgeoisie).
Un pur cadavre exquis où le duo s'alimentait d'idées diverses pour créer leur scénario sur six jours, avant un tournage au Havre et aux studios de Billancourt. Qu'importe la signification des différents éléments ou de comprendre ce qu'il se passe à l'écran. Il n'est parfois pas nécessaire d'avoir tous les éléments en main pour se laisser prendre au jeu. Comme quelques images iconiques permettent à un film de devenir important dans la période où il a été créé. Un chien andalou a été aimé en son temps et continue de traverser les époques avec saveur.