Couvrez ce massacre que je ne saurais voir...

Comment parler des attentats ? Comment trouver le bon angle, la bonne distance ? Où commence l'impudeur de leur représentation, le voyeurisme malsain ? Pour l'instant plusieurs "méthodes" ont été choisies : celle selon moi la meilleure employée par Mikhaël Hers dans le déchirant "Amanda" qui repose exclusivement sur une sorte d'imaginaire traumatique, les réminiscences propres à chacun ; le hors champ digne et efficace de Jimenez dans "Novembre" ; ou encore la représentation frontale de l'évènement dont on se débarrasse immédiatement dans le "Revoir Paris" d'Alice Winocour.


Isaki Lacuesta adapte un récit qui ne cachait visiblement pas grand chose du déroulé du massacre survenu dans le Bataclan donc il y va avec des flash-back, partie selon moi la plus faible de son récit, celle en tout cas que je n'ai aucunement besoin de voir pour savoir. Mais il y a ce qui le rapproche et le met donc en concurrence évidente avec le Winocour, la confrontation avec ce qui suit, le trauma, que chacun gère différemment. Et je ne m'y attendais pas mais j'ai préféré ce qui en est fait ici, l'exacerbation vs une certaine froideur. Autant j'avais trouvé Winocour en difficulté avec son sujet, la sentant marcher sur des œufs, autant j'ai eu l'impression que Lacuesta était plus franc du collier avec sa caméra qui colle aux personnages, agitée et en ébullition comme les montagnes russes des cerveaux et des tripes. Et enfin il y a l'interprétation, celle du toujours remarquable Nahuel Pérez Biscayart, mais surtout de Noémie Merlant qui se sort magistralement de ce rôle casse-gu… au possible, celui d'une femme qui passera par tous les états, de la souffrance enfouie à l'exacerbation de la douleur, en 130 minutes.


En résumé "Un an, une nuit" est un film inconfortable, y compris dans sa forme, qui ne cherche pas, et c'est tout à son honneur, à être émouvant. En tout cas pas par des biais faciles, car c'est quand est évoquée la beauté des paillettes en suspension issues du mélange entre particules de poudre et vapeur des corps que notre cœur se serre.

Créée

le 9 mai 2023

Critique lue 224 fois

6 j'aime

takeshi29

Écrit par

Critique lue 224 fois

6

D'autres avis sur Un an, une nuit

Un an, une nuit
Cinephile-doux
8

Reconstruction en cours

Adapté du livre de Ramon González, survivant de l'attaque terroriste du Bataclan de 2015, Un an, une nuit raconte comment un couple survit après le traumatisme, avec une méthode différente selon...

le 28 mars 2023

6 j'aime

Un an, une nuit
takeshi29
6

Couvrez ce massacre que je ne saurais voir...

Comment parler des attentats ? Comment trouver le bon angle, la bonne distance ? Où commence l'impudeur de leur représentation, le voyeurisme malsain ? Pour l'instant plusieurs "méthodes" ont été...

le 9 mai 2023

6 j'aime

Un an, une nuit
Aude_L
4

Hasta Luego, Paris.

Un an, une nuit ressemble à une lointaine version espagnole du récent Au Revoir Paris d'Alice Winocour. On y suit également un couple après les attentats du Bataclan, traumatisés profondément, vivant...

le 30 mars 2023

3 j'aime

Du même critique

Ernest et Célestine
takeshi29
8

Éric Zemmour : " "Ernest et Célestine" ? Un ramassis de propagande gauchiste "

"Ernest et Célestine" est-il un joli conte pour enfants ou un brûlot politique ? Les deux mon général et c'est bien ce qui en fait toute la saveur. Cette innocente histoire d'amitié et de tolérance...

le 15 avr. 2013

282 j'aime

34

Racine carrée
takeshi29
8

Alors, formidable comme "Formidable" ?

En 2010, la justice française m'avait condamné à 6 mois de prison avec sursis pour avoir émis un avis positif sur le premier album de Stromae (1). La conclusion du tribunal était la suivante : "A...

le 18 août 2013

258 j'aime

34