On peut avoir un bon sujet et passer totalement au travers, mais Un Amour Sans Fin n’a même pas de bon sujet. Ce film traite une histoire d’amour réellement vue trop de fois au cinéma et qui s’oublie en même temps qu’elle se regarde. Les moments où il ne laisse pas le spectateur indifférent, c’est lorsqu’il agace par sa mièvrerie, sa naïveté et un manque total de crédibilité. L’histoire étant d’une pauvreté cinématographique assez rare, pas même un adolescent n’y trouvera son compte. On ne tient donc pas là le nouveau « film d’une génération », comme ont pu l’être Le Grand Bleu ou encore Les Nuits Fauves.

Un Amour Sans Fin simplifie au maximum l’idée d’histoire d’amour au cinéma, reprenant à son compte l’ensemble des clichés et poncifs qui sont autant de pièges. David aime Jade depuis quatre ans, sans jamais avoir osé le lui dire. La jeune fille riche, distante depuis la mort de son frère, ne se laisse pas approcher facilement. À force d’audace et de ténacité, David va la séduire, malgré un père autoritaire et un brin salaud sur les bords. Bien évidemment, l’histoire finit bien : l’amour triomphe, le méchant papa regrette un peu ses méfaits et la morale et sauve.

Malgré son absence d’originalité, cette histoire pourrait presque être sauvée des eaux si elle n’enfilait pas, en plus, les clichés comme des perles. On oubliera vite l’hilarant ralenti sur Jade en train de courir dans la nuit, bras ouverts, après son premier baiser. Cette scène est indigne, même d’un enfant de cinq ans. Par contre, comment ne pas être effaré par les ressorts dramatiques dont on n’aurait pas pensé qu’ils oseraient les filmer: l’adultère du père, l’accident de voiture de Jade et surtout l’héroïsme de Hugh et David lors de l’incendie final ?

Le manque de crédibilité de certaines scènes et frappant, lors de la première « nuit d’amour » de Jade et David. Lui, vient d’être mis à la porte de sa maison à elle. Il y revient donc lorsque les parents dorment et lui fait l’amour jusqu’au matin au milieu du salon, devant la cheminée. Scène suivante : le jour s’est levé, les amoureux sont toujours allongés là et prennent le temps de se réveiller. David devrait s’enfuir mais non, il part visiter la maison au risque de tomber nez à nez avec le père ! Si vous êtes sceptiques, penchez-vous également sur la scène du (presque) baiser dans le placard, une leçon de surréalisme. Moralité : on commence le film en étant indulgent avec nos tourtereaux, on le finit en les traitant de tous les noms pour la bêtise dont ils font preuve.

Techniquement la mise en scène est au niveau du scénario, c’est-à-dire à peine au-dessus d’une sitcom : aucune innovation, aucune créativité bref, absolument rien qui suscite l’intérêt. Les acteurs, à deux exceptions près, ont été recrutés pour leur physique et leurs gueules d’anges. Ils sont charmants, beaux et souriants mais sont à peu près incapables d’exprimer une émotion. Il n’y a guère que Robert Patrick (vu dans Terminator 2 et X-Files) et Bruce Greenwood (vu dans Star Trek et Super 8) pour livrer une prestation passable, mais perdus dans un océan de médiocrité.

Shana Feste, qui signe là son troisième long-métrage, semble coincée dans la bluette à la chaine : un produit de grande consommation standardisé, sans saveur et reproductible à l’infinie. Si elle doit avoir une carrière, ce sera dans un certain anonymat, car elle ne semble avoir aucune ambition artistique autre que de multiplier les clichés éculés et usés jusqu’à la corde. Le Monde Charlie et The Spectacular Now ont démontré qu’on peut traiter des sentiments adolescents avec sensibilité, mais Shana Feste ne semble pas comprendre les adolescents. Alors, sa sortie de secours sera de tout recommencer, en ayant cette fois plus d’amour pour le cinéma que pour les dollars.
Jambalaya
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le 24 juin 2014

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Jambalaya

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