Le Bon, la Belle... mais surtout les Truands !

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C'est à ce film que je dois mon histoire d'amour avec John Ford. N'ayant pas été emballé lors de mes premiers visionnages de ses œuvres phares, c'est en découvrant Trois Sublimes Canailles que mon affection pour ses westerns et son cinéma en général est née, me poussant à la curiosité. J’étais très intrigué par cette œuvre bien lointaine dans sa filmographie abondante, et pour plusieurs raisons : déjà, mon amour pour le cinéma muet et pour ses noirs et blancs somptueux ; et puis, surtout, la présence de George O’Brien, jeune acteur qui m’avait émerveillé dans L’Aurore de Murnau et que je voulais absolument voir dans un registre différent.


Trois Sublimes Canailles est formellement somptueux. Les plans larges des plaines désertiques du Dakota sont époustouflants, tout comme les plans resserrés exacerbant la beauté des visages. Le nombre de figurants est également impressionnant, notamment dans la scène de départ de la ruée pour la terre, où des centaines de convois sont alignés à perte de vue. La musique est parfaite, tantôt grave pour souligner la tension palpable, tantôt mélancolique pour embellir certaines séquences de douceur. En effet, Three Bad Men joue sur plusieurs tableaux : il sait être grandiose durant ses courses-poursuites, drôle avec ses quiproquos adorables (qui rappellent les sourires que provoquent par exemple ceux de Lubitsch), mais aussi très touchant grâce à des acteurs maîtrisant l’art du muet à merveille. Vous l’aurez compris, ce film m'a fait passer par toutes les émotions possibles.


Les personnages se révèlent quant à eux particulièrement attachants. Les trois fameuses canailles recherchées, dont le portrait est placardé dans toutes les villes, semblent de prime abord être de véritables voyous sans foi ni loi. On les découvre prêts à prendre d’assaut un convoi innocent pour en voler les chevaux ; ils seront devancés par des concurrents qui, en plus, en tueront les propriétaires. Et la seule survivante est une jeune femme, sublime, interprétée par la délicieuse Olive Borden au regard magnétique, que les trois lascars décident d’épargner et de prendre sous leur aile. Dès lors, c’est sous un nouveau visage qu’on les découvre : un peu gauches mais toujours galants, attentionnés et fragiles malgré leur réputation. Des méchants qui n’en sont pas vraiment, tout compte fait, et dont l'inclination certaine pour la boisson ne fait que renforcer le caractère grotesque. Toutefois, le personnage que joue George O’Brien est légèrement plus prévisible : il est le beau jeune homme quasi-parfait qui ne peut inspirer que la sympathie (et sympathique, il l’est !) Mais qui est le méchant de l’histoire, dans ce cas ? Eh bien contre toute attente, c’est le shérif, l’habituel représentant de la loi et de la bonne conduite qui est ici terrifiant de perversité, bien aidé par le maquillage noir qui entoure ses yeux d’un bleu perçant. Le blondinet au yeux bleus, quoi ; sorte de Klaus Kinski des années 20 qui par sa seule présence fait trembler les terres de l'Ouest.


Le scénario n’est donc pas bien compliqué : une femme rendue orpheline accueillie par trois voyous, qui décident de se repentir en l’aidant à trouver un mari qui saura la rendre heureuse. Et un shérif autoritaire bien décidé à faire appliquer la loi coûte que coûte en les pourchassant. Sauf que c’est en cela que ce western « classique » est original : il nous place du côté des hors-la-loi en nous montrant qu’ils n’en sont pas moins des hommes. Des hommes qui aiment, et qui s’aiment. Et ça, aucune loi ni morale ne peut le forcer.


Véritable ode à l’amitié et à la liberté, Trois Sublimes Canailles porte en son titre le superlatif qui lui correspond le mieux : sublime. En une heure trente-six, John Ford prouve qu’il maîtrise à la fois l’art du muet, du noir et blanc et du western, tout en donnant à voir une histoire au rythme effréné portée par des personnages terriblement attachants, et une musique inoubliable. Alors franchement, qu'est-ce que vous attendez ?

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le 14 août 2017

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Jules

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