Ça y est. Il est là. Maintes fois reporté, le grand retour de George Miller est enfin là, et même si ce n'était « que » sept ans à attendre, c'était quand même très long. Il y a tellement à écrire... Je ne sais par où commencer. Œuvre monde, à la fois intimiste et hautement spectaculaire, « Trois mille ans à t'attendre » n'est jamais là où on l'attend, et surtout pas en tant que classique relecture légèrement modernisée du célèbre conte des « Mille et une nuits » et des fameux trois vœux à exaucer.

Le créateur de « Mad Max » s'en amuse d'ailleurs beaucoup en jouant habilement avec les clichés, lieux communs à ce genre de récits, s'amusant à les faire évoquer à voix haute sans jamais qu'ils se concrétisent à l'écran. Choix au fond assez frustrant mais savoureux, nous amenant dans des directions aussi séduisantes qu'inattendues. Cela parle beaucoup, certes, mais jamais gratuitement, chaque réplique donnant du sens, de la profondeur au propos, notamment sur la création et, surtout, une réflexion passionnante sur la manière dont on raconte une histoire, ses tenants, aboutissants, la manière dont la vit chaque spectateur.

Ainsi, alors qu'on pouvait penser que ces flashbacks ne dureraient qu'une vingtaine de minutes, ils prennent rapidement une place essentielle, la vie du Djinn (du moins lorsqu'il sort de sa lampe!) étant suffisamment dense et riche en émotions pour qu'on ne s'en lasse pas, chaque récit apportant sa pièce à l'édifice, entre rêve et cauchemar, parfois avec beaucoup de force, d'intensité. Certains râleront sur les effets visuels, assez « rococo », il est vrai, mais donnant un cachet, un côté assez irréel à ce savant mélange historico-fantastique, correspondant bien au ton de l'œuvre.

L'ensemble n'en est pas moins toujours fluide, passant avec beaucoup d'aisance d'une époque à une autre, s'efforçant d'être toujours clair dans ce qu'il raconte, sous l'impulsion d'un réalisation d'une énergie, d'une vie débordantes, à l'image d'une caméra souvent mouvante pour notre plus grand plaisir. L'amour, la passion (non, ce n'est pas pareil!), l'immortalité, la conscience, les remords... Tous ses sujets sont traités avec intelligence, précision et surtout pas mal d'émotion, renforcée par la belle bande-originale de Junkie XL.

Quant au dernier tiers, Miller s'amuse admirablement avec nous quant au meilleur dénouement à nous offrir : ainsi, à chaque fois qu'on tremble d'imaginer pareil final, une scène vient nous rassurer et ainsi de suite, le tout une bonne vingtaine de minutes ! Et ce pour nous offrir, peut-être pas la meilleure fin possible, mais en tout cas une conclusion à la hauteur, à laquelle il est difficile de rester insensible.

Alors tant pis si certains échanges sont un tantinet explicites et que le duo Tilda Switon - Idris Elba, néanmoins tout à fait correct, ne s'impose pas comme une évidence (je rêve de voir ce qu'aurait fait Cate Blanchett). Enfin du cinéma, du vrai, dont on sort des étoiles et des réflexions plein la tête, enchanté d'avoir vu des questions si passionnantes traitées avec autant d'intelligence, de ferveur... de talent, tout simplement. Les raisons d'aimer George Miller ne manquaient pas : ce vrai-faux conte fou, méta au possible, inclassable et constamment imprévisible en est une de plus. Et quelle raison !

Caine78
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le 4 oct. 2022

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Caine78

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