Un projet comme Trois Mille Ans à t'Attendre ne pouvait qu'atterrir dans les mains d'un gars comme George Miller, qui a toujours réussi à questionner la structure narrative de ses opus pour mieux les transcender, ou encore à s'emparer du pouvoir des mythologies qu'il mettait en scène.


On ne pouvait alors que jubiler à la lecture d'un argument de départ aussi alléchant, puisque le film était tout entier concentré sur le pouvoir des histoires et des mythes.


George Miller s'en empare donc avec gourmandise en enquillant les mini histoires tragiques rythmant l'existence d'un djinn frappé de sa malédiction, avec comme fil rouge sa narration murmurée à l'oreille d'une femme beaucoup moins dupe sur la nature des voeux qu'on lui offre.


Le réalisateur australien épouse donc tout d'abord la forme du film omnibus cher au coeur de Michel Ocelot période Les Contes de la Nuit ou Princes et Princesses et livre des tableaux chatoyants tout droit tirés des Mille et Une Nuits.


Avant de dériver lentement sur l'immense pouvoir d'évocation des mots, de l'imagerie des légendes qui ont traversées les siècles, faisant preuve à l'occasion d'une naïveté revigorante en ces temps de cynisme souverain. Pour mieux ensuite confronter la magie au monde moderne l'étouffant littéralement, à l'image de la première apparition d'un génie qui s'incarne de manière bien trop démesurée pour une simple chambre d'hôtel.


Mais peu à peu, la jolie fantasmagorie commence à laisser place à une sorte de spleen traversant les deux personnages principaux évoluant en vase clos, esclave de leurs émotions, de leurs suspicions et de leurs maux d'amour. Un spleen irrigué par les thématiques du hasard, des coïncidences et du destin auxquelles se heurtent le génie tout au long de sa vie.


Or malgré cette avalanche de qualités qui ne pourra que vous pousser à aller voir Trois Mille Ans à t'Attendre, George Miller se heurte à deux écueils pour le moins étonnants :


Il s'agit en effet tout d'abord de son film le plus littéral à ce jour, et ainsi pas toujours très fin dans le traitement de certains sujets actuels via des séquences qui auraient pu rester sur le sol de la salle de montage, à l'image des interventions de deux vieilles peaux qui n'aiment pas les loukoums, prisonnières de leur imaginaire exotique d'un autre âge.


Mais plus grave peut être, Trois Mille Ans à t'Attendre ne réussit jamais à se hisser au niveau du merveilleux et fantasmatique The Fall, qui, sur une imagerie voisine emportait toute la puissance originelle de la tradition orale et du conte dans une autre dimension graphique, narrative, émotionnelle et tragique.


Trois Mille Ans à t'Attendre souffre donc quelque peu de cette comparaison, malgré ses qualités évidentes, alors même que le film était déjà fantasmé comme définitif et au carrefour des centres d'intérêts de son réalisateur.


Même si, aux yeux de beaucoup, l'oeuvre n'empêchera pas son réalisateur de continuer de bâtir sa légende...


Behind_the_Mask, qui confond maintenant les djinns et les elfes.

Behind_the_Mask
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Une année au cinéma : 2022

Créée

le 24 août 2022

Critique lue 1.4K fois

32 j'aime

6 commentaires

Behind_the_Mask

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

32
6

D'autres avis sur Trois mille ans à t'attendre

Trois mille ans à t'attendre
Sergent_Pepper
7

Quest sight stories

Mad Max Fury Road avait tant remis les pendules à l’heure du blockbuster qu’il a pu faire oublier au grand public l’éclectique carrière de George Miller, qui s’est autant illustré dans le mélo...

le 24 août 2022

47 j'aime

Trois mille ans à t'attendre
Star-Lord09
7

- L' Apostasie du spectateur et son remède argentique -

Ici et là, au gré du vent, George Miller sème ce qui lui reste de magie afin de rappeler aux "peaux neuves" que la salle reste l'unique sanctuaire du Septième Art. Parce qu'au fond si le Cinéma est...

le 24 août 2022

40 j'aime

13

Trois mille ans à t'attendre
LeReve
4

3000 ans à attendre la fin

Bon bah c'est dans le titre : je me suis pas mal ennuyé devant 3000 ans à t'attendre. Et j'en suis le premier déçu. Je m'attendais à quelque chose d'assez grand, après Fury Road que l'on peut je...

le 24 août 2022

32 j'aime

2

Du même critique

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

204 j'aime

54

Star Wars - Les Derniers Jedi
Behind_the_Mask
7

Mauvaise foi nocturne

˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...

le 13 déc. 2017

189 j'aime

37

Logan
Behind_the_Mask
8

Le vieil homme et l'enfant

Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...

le 2 mars 2017

181 j'aime

23