Transformers : difficile à aimer et à défendre

L’été s’accommode le plus souvent de grosses productions dont la recette récurrente emploie les mêmes ingrédients périmés pour concocter son shoot d’adrénaline. Grosses bastons, phrases viriles, une belle femme à sauver, et des explosions. Souvent critiquée, la saga Transformers correspond parfaitement à ces caractéristiques, mais est-ce si nul que ça ?



Optimus Prime, ennemi cinéphilique n°1



Transformers, c’est surtout depuis des années la cible favorite des représentants les plus pédants de la cinéphilie. Pour nos chers éclairés, descendre ce film et lui exprimer toute sa haine permet de s’accorder une qualification intellectuelle pour ainsi échapper à une simple condition de consommateur. S’octroyant par la même occasion une place favorable et prestigieuse au-dessus d’une « masse inculte » peuplée de gens ordinaires.


Il s’agit d’une attitude pédante qui engendre un découpage des spectateurs pour les classifier entre les dignes et les indignes. C’est-à-dire adopter un regard accusateur à la fois pour les œuvres et les personnes dans le but de se façonner une identité noble. Une identité souvent hypocrite qui vient forcément avec le comportement adéquate, notamment un mépris sans limite. Car la cinéphilie dans sa forme la plus répugnante c’est le développement d’une discipline. Le cadre dans lequel on « pense » et où on « perçoit » est soumis à l’appropriation d’une éducation cinéphilique fournie par ceux qui se considèrent comme les légitimes détenteurs de la culture et du bon goût. Les films classés dans les dimensions de « divertissement », « sans qualité », « ordinaire » n’ont évidemment pas le droit de figurer parmi la collection éclatante du cinéphile.



Lutte contre l’ordinaire



C’est une subtile mais glaçante tendance à lutter contre l’ordinaire. Ne jamais avoir une opinion proche de celle de la masse inculte, toujours être marginal et de ce fait cultiver le dégoût pour une partie du cinéma. Oui, prendre le temps de visionner toutes ces œuvres nommées « divertissements » pour mieux les descendre et réaffirmer encore son statut autoproclamé. Voyez-vous, se « donner un genre » c’est tout un art.


Pour ces « éclairés » les plus orgueilleux le point commun est de ne jamais se retrouver dans la position du « spectateur sans qualité » car cette catégorie de spectateurs subi forcément un regard accusateur et méprisant. Sans doute est-il capable de regarder de tout, de faire la part des choses, d’apprécier les deux faces du cinéma, mais son ouverture d’esprit pour l’ensemble de sa passion est considérée comme une tare à éradiquer.


A les entendre, aimer Transformers entraîne la construction d’un blocage psychologique dans l’esprit d’un tel individu. Un bouclier puissant et impénétrable qui l’empêche de regarder et d’apprécier des œuvres qui justifient à elles seules que l’on nomme le cinéma « le 7e Art ». Dans les faits, aucune barrière ne peut empêcher la passion de ce que j’appelle simplement le « vrai cinéphile ». Soit « le spectateur sans qualité » appartenant à cette « masse inculte ». Celui qui aime le cinéma passionnément. Celui qui n’espère ni ne cherche à être vanté. Celui qui ne voue jamais une haine pour une catégorie de spectateurs ou d’œuvres. Celui qui reste ouvert et accepte toutes les passions. Pour ces raisons, ce cinéphile-là s’intéresse autant à Michael Bay qu’à Andreï Arsenievitch Tarkovski.



Un bonheur cinématographique



Avant la domination du Marvel Cinematic Universe, la franchise envahissait déjà le paysage cinématographique afin d’y laisser sa marque aujourd’hui typique du blockbuster. Un univers qui fit ses débuts dans le domaine des jouets pour enfant avant de figurer parmi les productions les plus lucratives de l’Histoire du cinéma. A vrai dire, le fait est que Transformers a tout ce qu’il faut pour passer un bon moment décontracté pour qui aime le plaisir simple de débrancher son cerveau devant un film facile à suivre.


Je ne cherche pas ici à dissimuler les évidentes lacunes du film en vous disant que ce n’est qu’un divertissement et qu’il faut alors être tolérant. L’ensemble du casting demeure inintéressant, certaines situations sont grotesques, et il s’agit indéniablement d’une recette américaine usée. Simplement, je pars du principe que les films n’ont pas tous les mêmes intentions et qu’un spectateur ne devrait pas avoir les mêmes attentes en fonction de cet élément important.


Il y a quelque chose d’attendrissant à voir ce gamin de M.Bay jouer avec ses figurines et ses effets pyrotechniques. Reconnaissons-lui une certaine performance pour donner du rythme à un film de 2h30 et à mettre en scène son hystérie visuelle sans concession. Notamment avec des scènes plutôt bien filmées grâce à cette caméra proche du sol pour glorifier le gigantisme des robots. Un fantasme de gosse qui vous rend ivre de plénitude quand surgissent les scènes de destructions, quand Optimus Prime serre le poing prêt à en découdre avec Megatron. Ce ne sont ni plus ni moins que des promesses basiques qui sont tenues : décoller la rétine, exploser les tympans, faire sourire, repartir serein de la séance. Un charme immature qui fait simplement passer un bon moment.



Conclusion



Me voilà sans doute rangé soigneusement parmi la « masse inculte » alors que paradoxalement le choix de mon réalisateur favori se jouerait entre Henri-Georges Clouzot et Sidney Lumet. Deux grands que les éclairés de l’éducation cinéphilique apprécient sans doute énormément. Mais que voulez-vous, la passion entière pour le cinéma est une tare à éradiquer.


Quoi qu’il en soit, l’émotion suscitée par Transformers n’est pas si étrangère à celle des autres œuvres cultes de la pop culture. Devenir un complice consentent a ses bons côtés, et Transformers en est le parfait exemple.



Nul sacrifice, nulle victoire


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le 9 nov. 2015

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Death Watch

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