Tropic Thunder s’amuse à parodier le film de guerre hollywoodien à la Platoon (Oliver Stone, 1986) mais le fait par un jeu constant de démolition du quatrième mur, par une exhibition des artifices inhérents au cinéma, si bien qu’il réussit à nous égarer entre réalité et fiction de la même façon que ses personnages. Ben Stiller a l’intelligence et l’honnêteté de réaliser un long métrage axé sur la condition d’acteur, condition qu’il connaît mieux que personne, et jongle avec les clichés de la vie de star, des aléas de la notoriété publique ainsi que de l’implication dans un rôle « de composition », vaste blague étirée sur plus d’une heure et demie, jusqu’à ce retournement de situation savoureux qui change l’enfant adopté en bourreau assoiffé de vengeance puis en projectile balancé par-dessus le pont.
Nombre de tabous sont abordés, tantôt de façon crue – l’addiction aux drogues dures – tantôt de façon évasive – l’homosexualité dans le milieu du rap. Dit autrement, la jungle vietnamienne, tel un environnement devenu spécifiquement cinématographique à force d’être l’objet de reconstitutions à foison, mute en théâtre de la cruauté sur les planches duquel les personnages, raccordés à leur statut d’acteurs, extériorisent leurs maux et se confrontent à leurs contradictions. La tonalité parodique du film n’enlève rien à cette catharsis hollywoodienne qui est elle-même tournée en dérision.
Nous regretterons alors que Tropic Thunder montre un ventre mou d’une petite heure entre l’ouverture par deux fois retardée et la clausule frapadingue, que le montage charcutier contraigne les scènes à une brièveté et à un saut de puce permanent entre des localisations différentes, que l’humour souffre de répétitions et de vulgarités gratuites. Portée par des acteurs en grande forme, voilà une comédie mordante mais inégale qui défend l’idée que « le vrai cauchemar sur Terre » est moins la guerre que l’industrie hollywoodienne.