Elle aime conduire la voiture de papa avec celui-ci, joue le rôle du grand frère avec sa petite sœur de 6 ans, porte plutôt des shorts que des robes, n'a pas de poupées ni de couleur rose dans sa chambre (qui est bleue)… Laure a 10 ans, garçon manqué sur les bords et se faisant passer pour Michaël auprès des gamins du quartier et de Lisa, qui tombe amoureuse de ce "garçon" un peu étrange. On joue au foot, on va nager, on essaie de faire comme les adultes, on crache, on s’embrasse, on fait les gros bras, et Laure/Michaël tente tant bien que mal de s’imposer comme un nouveau copain de jeu. Point de départ engageant pour le deuxième film de Céline Sciamma (après son remarqué Naissance des pieuvres) qui associe, à une juste et belle vision de l’enfance, des interrogations plus poussées, des sujets plus universels : identité sexuelle, suggérer un autre corps, pour soi ou aux yeux du monde, ne pas (se) mentir pour être qui je suis…

Sans jamais énoncer les éventuelles motivations de Laure (par fantaisie, par jeu, par envie, par indécision ?), imaginant un faux suspens (quand Laure sera-t-elle démasquée ?), mais se concentrant davantage sur la question d’une confusion des genres, d’une sexualité qui se façonne, Sciamma construit son film tel un conte éthéré (la forêt est proche, juste à côté), en douceur(s), solaire (jolie photographie à la lumière quasi dorée), pudique tout en étant troublant. Laure va tenter d’exister comme elle l’entend, comme elle le pressent aussi, se forger comme un puzzle à faire et/ou à finir, quitte à tromper son entourage, jusqu’à ce que l’inéluctable vérité, de subterfuges (le zizi en pâte à modeler) en évidences (c’est Laure qui est inscrite sur la liste de l’école, pas Michaël), finisse par éclater. Sans dramatisation, la découverte (attendue) de la supercherie opte au contraire pour une approche calme et réfléchie, jusque dans sa simili cruauté (une gifle, une mise à nu devant tout le monde).

Sauf que… Sauf que plusieurs scènes, en plus de celles déjà rabâchées (la main dans le vent, le soleil dans les arbres, la danse dans la chambre…), s'étirent inutilement en longueur (les matchs de foot, les jeux entre Laure et sa sœur…). Tout occupée à fignoler ses atmosphères de fin d’été, à trop vouloir capter la magie de l'enfance, en saisir absolument les instants précieux, Sciamma en oublie de construire un rythme, d'imposer une énergie et une intensité, voire une émotion (conséquence directe : on s’ennuie ferme). Son film interpelle, sait séduire et surprendre parfois (étonnante Zoé Héran), mais n’enthousiasme guère malgré un propos intelligent et un affect jamais forcé. Ce qui aurait pu donner une œuvre forte et ambitieuse sur l’enfance, venant après quelques chocs restés dans les mémoires (Ponette, Morse…), passe malheureusement pour un film anodin, gentillet et lassant.
mymp
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le 10 déc. 2012

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mymp

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