Tom à la ferme est un film paradoxal, comme si son réalisateur voulait prouver quelque chose par rapport à ses précédentes œuvres. Alors qu’il nous avait laissé coi devant un long métrage dense, presque trop, en la personne de Laurence Anyways, le réalisateur québécois revient avec Tom à la ferme, sorte de thriller psychologique sadomasochiste qui flirte toujours entre le clair et obscur préférant s’enfoncer dans les nombreux non-dits plutôt que dans l’exubérance habituelle du réalisateur. Tom, est un jeune publicitaire citadin vivant à Montréal. Son amant, Guillaume, tout juste décédé pour des raisons que l’on ne connait pas et qui resteront un mystère durant tout le film, se rend chez les parents du défunt pour assister aux funérailles. Ce citadin, un brin maniéré, crinière blonde au vent, est tout droit conduit dans une cambrousse paysanne sombre, où dominent la grisaille et la brume. Alors qu’il vient tout juste de rencontrer la mère de Guillaume, il n’est pas au bout de ses surprises puisqu’il sera amené à vivre une relation ambiguë avec le frère de la famille, Francis. Ce dernier, grand et costaud fermier semble ne pas être enclin à voir l’amant de son frère débarqué et c’est à ce moment qu’on ressent un élan d’homophobie vis-à-vis du personnage de Tom. Va s’ensuivre alors une relation dominé dominant à la fois de suprématie physique, de soumission psychologique et de compassion naturelle. Les soucis principal du film, malgré ses innombrables qualités, est de vouloir toucher de nombreux genres cinématographiques sans avoir la volonté d’aller jusqu’au bout de ses idées, s’évertuant à construire une ambiance presque claustrophobe tout en oubliant d’écrire des personnages dignes de ce nom. Et cela s’avère vite problématique pour un thriller psychologique dont les fulgurances esthétiques n’arrivent pas toujours à cacher un manque de profondeur évident où il est parfois difficile de savoir où le réalisateur veut nous emmener. Le film veut se rapprocher de la critique sociale avec son traitement de la différence sociale, des mœurs mais n’y apporte pas son grain sel ni un avis tranché, laissant sa caméra filmer cette zone malaisante. Tom à la ferme est un film en perpétuelle suspension, qui retient ses coups pour parfois les loger au bon moment et au bon endroit comme lors de cette crise de folie d’une mère désemparée devant la paresse d’une substantielle petite amie face à la mort de son fils. Mais c’est parfois trop peu pour un film qui semble préférer se contempler dans son atmosphère acide au lieu d’étoffer son récit de rebondissements qui auraient été les bienvenues. Xavier Dolan a du talent, en tant que formaliste et directeur d’acteur, c’est indéniable et son style se veut littéralement épuré. Fini les passages turbulents clippesques, les couleurs criardes qui dégueulassaient l’image à outrance, les ralentis en slow motion, la musique assourdissante à tout bout de champ, Tom à la ferme se veut sans doute plus adulte, plus mature peut-on dire vulgairement, sans être jamais académique. Le réalisateur québécois sait élargir l’espace tout en rétrécissant le cadre pour mieux asphyxier cet environnement sale et noir, à la violence soudaine et à la perversité dissimulée. Dans Laurence Anyways, malgré un trop plein de longueurs et des ellipses pas forcément ultra bien gérées, Xavier Dolan avait réussi brillamment à créer un couple amoureux éclatant, alors qu’avec Tom à la ferme, le duo formé par ce fermier pervers en proie à des doutes solitaires et ce publicitaire perdu et manipulable, laisse un gout d’inachevé. Pas que l’écriture soit mauvaise, car la finesse de certaines scènes accroît le doute entre le lien qui unit ces deux jeunes hommes, mais à trop vouloir se cacher derrière les mystères peu avares en révélations, l’épaisseur des personnages semble se rétrécir pour nous offrir un spectacle parfois désincarné, avec un réalisateur ne sachant pas toujours quoi faire de son sujet. Peut-être trop sage malgré une maîtrise formelle formidable, Tom à la ferme est un film prenant à défaut d’être étonnant, malheureusement alourdit par une linéarité qui le dessert.
Velvetman
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le 16 avr. 2014

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Velvetman

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