
‘Tirailleurs’ est une pure leçon d'histoire assez intéressante et bien foutue. Mais le réalisateur et le producteur (Omar Sy) ont été un peu aveuglé par leur sujet. Ils ont oublié qu’ils faisaient du cinéma et n’ont pas vraiment trouver l’angle qui aurait pu faire de ‘Tirailleurs’ un grand film.
Bakary Diallo s'enrôle dans l'armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s'affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l'arracher aux combats et le ramener sain et sauf.
Formellement, le film est bien fait, tout à fait classique. Pas d'inventions formelles. La vie des tranchées est bien montrée. On sent l’entassement, la saleté, la boue, les bombardements constants. Les attaques sont bien filmés sans déluge d’effets, de moyens et elles sont bien montées. On voit également l’arrière, loin des combats. Les soldats s’entrainent, sont en stand-by et attendent d'être envoyé au front comme de la chaire à canon. Encore une fois l’ensemble est plutôt bien fait.
Mais le cinéaste et Omar Sy (je l’inclus car il semblerait qu’il ait joué un rôle important dans la production du film) ont une vision que je trouve assez courte. Ils se sont arrêté à leur sujet. Raconter l’histoire des tirailleurs sénégalais et le rôle qu’ils ont joué au côté des soldats français pendant la guerre de 14-18, une histoire qu’ils jugent pas assez racontée. Une raison valable pour faire un film, car le cinéma a pour mission d’instruire mais il est dommage qu’il s’en soit arrêté à narrer une part de l’Histoire. Pour citer un autre exemple, Roselyne Boch avait réalisé un film sur la rafle du Vel d'hiv (judicieusement appelé ‘La Rafle') mais le meilleur film sur ce sujet était le ‘Mr. Klein’ de Joseph Losey, car le réalisateur avait réussi à introduire une histoire dans l’Histoire. Personnellement, je trouve qu’il est toujours plus intéressant au cinéma de regarder l’Histoire par la petite lorgnette plutôt que frontalement.
Une chose m’a pourtant beaucoup intéressé. Contrairement au père qui ne pense qu’à s’enfuir, le fils semble s’intégrer plus facilement dans l’armée et semble se faire prendre au jeu de la guerre et du patriotisme. Il fait ses preuves et montent en grades. On pourrait même dire qu’il s’occidentalise au contact des soldats français, au grand dam de son père. Il était là le sujet, le romanesque. Comment un fils s’échappe de son père par la guerre ? Comment un sénégalais fait ses preuves et se fait respecter au sein de l'armée française ?
Le problème est peut-être le personnage du père, nettement moins intéressant. Car il n’a pas de trajet émotionnel, il n’évolue pas. Son rôle est répétitif puisqu’il essaye constamment de s’enfuir. Le fils a un parcours plus intéressant. Il aurait dû avoir le rôle principal. Malheureusement, et sans doute pour des raisons commerciales, la tête d’affiche est la star d’Intouchables. Dommage.
Vraiment dommage car si Omar Sy livre une prestation convenable, Alassane Diong dans le rôle du fils est une vraie révélation. Son interprétation est complexe. Il montre aussi bien le lien de son personnage avec son père que l’attrait sinon l’envie de faire ses preuves au sein de l’armée. Ajoutons également dans le rôle du jeune lieutnant en chef Jonas Bloquet que j’ai trouvé très bon. Il est très convainquant dans le rôle de ce militaire fils de général, à la fois idéaliste et désabusé par les tranchées.
Sans rien dévoiler, Mathieu Vadepied fait malheureusement le choix d’une fin excessivement mélodramatique qui tombe comme un cheveux sur la soupe. Mis à part cette fin décevante, le film se tient globalement. Vadepied n’a pas réalisé ‘Les sentiers de la gloire’ car il n’a pas vraiment trouvé son point de vue, sa lorgnette pour regarder et avoir un regard critique sur l’Histoire. C’est un peu regrettable car le film est tout de même assez intéressant.