« On a pas la même mémoire, mais on a la même histoire », expliquait Omar Sy avant la projection de ce film qui lui tient particulièrement à cœur, et dont il est le producteur en même temps que l’interprète principal. Tirailleurs prend ainsi le point de vue des recrues africaines durant la première guerre mondiale, ces populations de second plan, mais le plus souvent dans les premières lignes, auxquelles il était temps de rendre l’hommage qui leur est dû.


La première partie prend ainsi racine au Sénégal, pour présenter une identité et une culture qui seront tant ignorées par la suite. Filmé en langue peule, le récit inverse ainsi la présentation traditionnelle et présente une autre guerre, celle du rapt pur et simple des hommes en âge de combattre pour venir alimenter la chair en canon de la métropole. Le point de vue ainsi implanté permet de présenter l’arrivée au front selon des exilés, pour qui l’absurdité ne se résume pas au principe même de la guerre, mais à toute une culture, une hiérarchie et à la prise de conscience d’être considéré comme un bétail sacrifiable.


En contre-point, il sera donc essentiel, selon Vadepied, de souligner l’héroïsme de ces protagonistes laissés dans l’ombre. Omar Sy incarne ainsi le père d’une recrue, qui le suit pour assurer sa protection, tandis que les congénères investissent la zone de combat pour aller chercher le corps d’un des leurs. Si le récit parvient à traiter d’un point crucial à travers l’assimilation du fils qui rejoint la hiérarchie et en vient à donner des ordres à un père dépossédé de sa fonction, le reste du film ne lâche jamais cet angle académique de l’héroïsme en temps de guerre, et sacrifie à bien des poncifs du genre.


On comprend bien le parti-pris, dans la mesure où l’objectif est de parler au plus grand nombre : réécrit de nombreuses fois sur près d’une décennie, le scénario a fini par faire d’Omar Sy le père du rôle initialement prévu pour lui, tant il était crucial qu’un comédien aussi plébiscité reste à l’affiche pour assurer la résonnance nécessaire à un tel projet. Il en ira de même pour les scènes de bataille, la tension autour de prise stratégique de colline ou le pathétique sacrificiel de la conclusion : en convoquant les invariants du genre, Vadepied fait les concessions qu’il juge nécessaires pour éviter le tract politique et rester diffusable au sein de l’Éducation Nationale. On ne pourra pas vraiment lui reprocher d’éviter les accès de rage pour tenter de construire un hommage digne, qui reste néanmoins un peu trop sage et scolaire.


(5.5/10)

Sergent_Pepper
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le 4 janv. 2023

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