Le premier était meilleur.

Autant le dire dès maintenant : j'ai adoré le premier Thor.
Non non, restez ! Cette anomalie constitue surement une faiblesse, car il y a de gros risques qu'on ne me prenne pas aux sérieux, mais elle constitue aussi une force, car du coup je crois exprimer un point de vu plus ou moins inédit.
Ainsi j'apprécie grandement "Thor", même en le revoyant aujourd'hui, et j'ai été déçu par "Le Monde des ténèbres", même si cette déception pouvait être prévue. La suite a son lot de qualités, notamment les costumes (surtout ceux de Thor et Loki) que j'ai trouvé superbes, bien que ça puisse paraître tout bête, mais je préfère me concentrer sur les lacunes du long-métrage, surement dans une tentative de mettre des mots, d'expliquer ma frustration. Alors quels reproches faire à cette séquelle ?

Nous pouvons nous pencher tout d'abord sur l'aspect superficiel, mais néanmoins important : le visuel. Sur cet aspect, le film est clairement divisé entre garder une continuité entre l'aspect graphique établit dans le premier film et une volonté de s'en défaire et d'amener une modernisation. En effet, alors que Thor premier du nom se distinguait pour ses décors et son visuel archi-kitsch aux vibrations de nanar et d'effets spéciaux ratés, la suite tente d'intégrer à la fantaisie colorée des éléments de science fiction pseudo-obscure paraissant être tirés directement de" Man of Steel". Nous nous retrouvons donc interloqués face à des navettes spatiales sinistrement modernes volant sur fond d'Asgard (repris du premier film), qui est défendue par des tourelles automatiques, en dépit d'être une société médiévale ; face à des Vikings qui se battent avec des bazookas, des blasters et des épées scintillantes, rendant les batailles un chaos de pew-pews colorés ridicules. On pouvait espérer que ce mélange réussirait, mais la sauce ne prend pas.
D'autre part, à certains niveau on sentira un réel rapprochement à DelToro et à son esthétique si particulière. La liaison est compréhensible lorsqu'on pense que le méchant de ce film est Malekith, un "elfe obscur" qui est cependant d'une paleur extraordinaire, n'est pas sans rappeler le Prince Nuada de Hellboy 2. On sent donc que l'aspect graphique et visuel de Thor 2 tente d'imiter la féerie du directeur mexicain, sans en saisir la magie et l'émerveillement, surement parce qu'avec la cumulation d'influences, il ne sait pas où finalement se placer.

Mais bien pire qu'un simple échec esthétique, Le Monde des ténèbres souffre de graves problèmes dramatiques qui viennent ruiner les ambitions du récit. J'ai retracé la question à trois soucis importants :
Le premier est lié à Thor lui même, qui, dans ce film, manque cruellement de charme. Comprenez moi, je n'ai rien contre Chris Hemsworth (au contraire, je l'adore, encore plus dans son costume de dieu nordique) mais son personnage ne suit aucun arc narratif ni aucun développement le long de l'aventure. Ceci ne serait pas un problème s'il avait une personnalité forte, mais ce n'est pas le cas, surtout en comparaison au premier film où Thor avait un caractère exacerbé par son arrogance. Une personnalité, certes cliché, mais tout de même présente, contrairement à la séquelle. Ainsi, le plus grand point fort du film original était de prendre cet immense blond imposant et de le placer dans des situations où, en dépit de toute sa force, il finissait en ridicule. Ici Thor est trop fort et assure toujours un maximum, il manque de le mettre dans des situations désavantageuses pour développer son caractère ou pour qu'on s'attache un minimum à lui.
Mon deuxième reproche porte sur l'Ether, ou la menace ancestrale qui risque de détruire le monde. Cet aspect du film est extrêmement mal développé, non seulement est il mal expliqué ou décrit, mais il se contredit également lui même. On nous répètera à plusieurs reprises que l'Ether est force de destruction, infinie et absolue et qu'il est inconcevable de le détruire, mais en liaison avec mon premier reproche, Thor détruira l'Ether, justifié stupidement par le simple fait que c'est Thor et qu'il est trop fort. Le problème est que, vu que le spectateur n'arrive pas à saisir ou à comprendre cette menace, son poids en est incroyablement diminué et on ne sentira pas le danger qui pèse, ni l'ampleur des situations.
D'une manière semblable, l'autre "danger" du film, soit Malekith, le méchant, souffre du cruel manque d'un quelconque développement. Nous ne sentirons jamais ses motivations ou sa méchanceté, son éloquence ou sa rudesse. Malekith est un personnage complètement sous-exploité, qui n'est là que pour faire remplir le rôle de l'adversaire, mais vu qu'il ne fait rien pendant tout le long du long-métrage, il n'a aucun charisme et on ne prendra sérieusement à aucun moment le danger qu'il peut être ou le défi qu'il pose à Thor.
Le film souffre donc d'un cruel manque dramatique par un héros qui assure trop, un méchant quasiment absent et une menace que l'on ne peut prendre au sérieux, qui fait trop "c'est ancestral donc tu ne comprendras jamais". Ceci a pour conséquence de causer des sérieux problèmes d'enjeux : vu que nous n'avons pas l'impression que ceux ci s'élèvent bien haut, nous ne ressentirons l'émotion ou la tension à aucun moment.

J'ai beau critiquer, mais je crois que ce film est un franc succès pour Marvel. Alors que le premier Thor était sévèrement atypique et pouvait même être considéré comme un OVNI, ce nouvel opus fait effet d'homogénéisation, il s'imbrique dans l'image de plus en plus classique des films de la compagnie. Ainsi, les irrégularités cherchent à être éliminées : on assiste vraiment à un "Lissage à la Marvel" de façon a que lorsque le spectateur aille voir un film de super-héros, il sache exactement à quoi s'attendre. Pour ma part, ce lissage à causé une nette perte de saveur, mais je suppose qu'il faudra s'y habituer. Les films Marvel sont bien une industrie, une sorte de production à la chaine je suppose, et Thor : Le Monde des ténèbres à le mérite de montrer à ses dépends les rouages de la machine. De toute façon, si Marvel veut vraiment faire un univers cohérent lié à travers les différentes saga, il n'y avait pas vraiment place pour quelque chose d'aussi bizarroïde que le premier Thor, il s'agissait plutôt d'un heureux évènement singulier.
Finalement, vu la préférence qu'ont beaucoup pour le personnage de Loki, il faut quand même que Thor se décide à être celui qui porte les pantalons dans sa propre saga.