The Wrestler (Le catcheur pour les anglophobes) est le quatrième film du prétendument génial Darren Aronofsky qui, pour une fois, a réussi un film.

Robin Ramzinski, même s'il préfère qu'on l'appelle Randy, est catcheur professionnel. Enfin il l'était avant. En 1988, The Ram donnait son plus beau combat contre l'Ayatollah au Madison Square Garden. Vingt ans plus tard, Randy travaille dans un supermarché et continue tant bien que mal à combler ses weekends en écumant les gymnases miteux avec des catcheurs de seconde zone. Il passe son temps libre à s'entrainer, dormir dans une caravane miteuse et tomber amoureux d'une strip-teaseuse (splendide Marisa Tomei qui se paye le luxe de faire les trois-quarts de ses scènes topless, c'est un détail qui trompe pas).

Randy a aussi une fille d'une vingtaine d'années parce qu'il a été assez con pour ne pas mettre de capote en pleine ascension vers la gloire et qu'il a ensuite laissé tomber comme une vieille chaussette. On aura droit donc à de superbes scènes où Evan Rachel Wood (potentiellement lesbienne dans le film, mais ça n'apporte rien) lui déclare avec des petites larmes dans les yeux « qu'il était jamais là pour ses anniversaires ». S'il y a bien un défaut, c'est cette tentative de rendre le personnage principal encore plus misérable en lui opposant une gamine blanche comme un cul et lugubre au possible. La trame est prévisible et on reste témoin d'une catastrophe horrible sans pouvoir faire pour ce pauvre Randy qui a préféré s'envoyer en l'air dans les toilettes d'un bar plutôt que de trainer sa fille ingrate au restaurant. C'est bien fait pour sa gueule.

Le reste du film est heureusement à la hauteur, loin de toutes implications morales qui étaient pourtant la marque de fabrique d'Aronofsky dans ses précédents films (« L'amour, c'est beau, ça fait faire des folies mystiques à côté d'un arbre » ou « La drogue c'est pas bien, tu vas finir pute, handicapé, fou ou en prison si t'en prends »). L'univers des catcheurs, touchant et pathétique, est peu reluisant comparé aux images glamour de la WWE. La camaraderie, le manque de moyens, l'entraide au cœur d'une communauté de freaks condamnée à prendre des stéroïdes à perpétuité rendent les scènes de combats beaucoup plus intéressantes (et en plus on apprend comment retirer du fil de fer barbelé d'un abdomen et ça c'est cool).

Évidemment à force de faire des conneries, Randy fait une crise cardiaque (c'est là qu'il a la bonne idée d'augmenter ses risques de rechute en allant voir une sale gamine qui crie tout le temps) et se demande si catcheur est une bonne carrière pour un type lourdaud qui a dépassé la cinquantaine. Il devient donc traiteur mais pas longtemps parce qu'il est tiraillé psychologiquement et que personne ne veut de lui hors d'un ring. La scène où il « entre en scène » derrière le comptoir est d'ailleurs un excellent exemple des progrès qu'a du faire Aronofsky pour réfréner ses envies putassières.

Mickey Rourke est effectivement extraordinaire avec sa masse de muscle qui l'empêche de faire des gestes brusques, ressemblant à un gros bouledogue au seuil de la mort, un léger sourire parfois mais plus souvent la mine abattu et le poil décoloré. On l'accompagne dans ses mésaventures, ému par de simples détails comme son appareil auditif qui l'attend sur sa table de chevet, sa respiration lourde et douloureuse ou sa séance de dédicace chez les vieux croulants.

Il faut noter que le film a la bonne idée de se finir là où il doit se finir ce qui est rarement le cas. La plupart du temps Aronofsky se contente de tenir la caméra, en la faisant trembler un peu pour faire vrai. La lumière est dégueu, les décors n'ont rien de glamour, les acteurs secondaires sont moches comme des poux... Tout ça au service du cinéma vérité. Et en s'éloignant de ces tics de mise en scène (sauf la lumière dégueu, ça il peut apparemment rien y faire) et de ses morales à deux francs, Darren Aronofsky réalise son meilleur film à ce jour, loin, très loin devant ses précédentes bouses pour adolescents.
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le 29 juil. 2010

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