Grande sensation du festival de Sundance en 2015, rachetée immédiatement par Universal pour une visibilité plus conséquente, il est à parier que The Witch risque de subir le contre-coup de ses multiples louanges il faut le dire pas toujours très nuancées, et surtout de ses atours de gros film de trouille, ce qu'il n'est absolument pas.


Premier long-métrage de Robert Eggers après une poignée de courts-métrages et un passé de directeur artistique au théâtre, The Witch baigne à la fois dans un réalisme crade et immersif, et dans un univers tout droit hérité du conte, le film rappelant aussi bien les illustrations de Gustave Doré que les célèbres récits des frères Grimm.


Délaissant les effets faciles chers à Hollywood, Robert Eggers privilégie au contraire une approche presque anti-spectaculaire, voire austère, resserrant son cadre jusqu'à apporter une incroyable sensation d'étouffement, le cinéaste emprisonnant ses personnages comme dans un huis-clos alors que l'histoire se déroule en pleine forêt.


Par le biais d'une mise en scène affutée, aussi économe que capable de donner corps à des images dignes de véritables toiles, et d'un travail incroyable sur le son, Robert Eggers parvient sans problème à distiller une atmosphère lourde et stressante, montant crescendo dans la folie et l'horreur jusqu'à un final tout simplement remarquable, loin de tout happy end et allant définitivement au bout de sa démarche et de son propos.


Un fond extrêmement courageux et percutant dans un pays à la forte population croyante, aux multiples thématiques allant de l'éclatement de la cellule familiale à l'émancipation de la femme en passant par les premiers émois charnels, The Witch montrant des personnages victimes aussi bien de manifestations surnaturelles que de leurs propres croyances aveugles envers un dieu les ayant visiblement abandonné, et une vision dangereusement rigide de la religion et de la foi. Des protagonistes parfaitement croqués et incarnés par des comédiens talentueux, que le cinéaste ne juge jamais à l'emporte-pièce, la folie destructrice de certains n'empêchant pas un amour véritable.


Formellement à tomber et conservant une forte aura de mystère, le cinéaste laissant le choix aux spectateurs de conclure à une attaque du malin ou à une hystérie collective, The Witch est une véritable petite pépite, plus inconfortable que réellement flippante, peu facile d'accès pour qui attendra un simple train-fantôme mais fascinante et maniant la suggestion avec une réelle efficacité.

Gand-Alf
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le 20 juin 2016

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